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L'Australie

Jardiner ?

Après cycliste professionnelle, me voici jardinière… Si vous aviez dit à mon frère que j’allais passer mes journées à jardiner, il vous aurait ri au nez.

Jardiner, Photo by Daniel Watson on Unsplash

Ce n’est pas toi qui trouve le job, c’est le job qui te trouve…

Comment j’ai trouvé ce job ? Par chance, surtout… Si vous avez suivi un peu, mon état d’esprit n’était pas au beau fixe et j’avais du mal à m’y mettre et à chercher vraiment un travail. J’étais là dans un état de « Je ne sais pas quoi faire de ma carcasse… »

Bref finalement un matin en passant devant la réception, le proprio me demande si je suis intéressée pour un boulot de jardinier.

Oui pourquoi pas !!?! Aller il faut que j’appelle une certaine Sue. La femme au téléphone est très gentille et nous convenons d’un entretien à 7h30 du matin le lendemain ! 

Levée donc à 5h45, douchée, petit déjeuner et hop je décolle pour la gare. 15 minutes de marche, j’attends le train quelques minutes, avec ma coloc, et hop 30 minutes de trajet. 

Arrivée à Seaforth. Je n’ai pas besoin de chercher longtemps, le panneau Riverside Gardens Estate n’est qu’à quelques mètres. Il ne me reste plus qu’à trouver la réception ! 

riverside Gardens Sign
Riverside Gardens
l’Entretien

Réception trouvée. Je pousse la porte. Une femme en tailleur noir d’une soixantaine d’années m’ouvre. 

Je m’attendais à ce que Sue soit masculine, je l’imaginais un brin plus jeune et en habits de jardinage. Pas du tout. Sue porte des talons, elle est maquillée et ressemble à Super Nanny avec quelques années de plus : frange, lunettes noires rectangulaires, et un air sévère. 

C’est marrant mais au téléphone, elle paraissait plus gentille et chaleureuse. 

L’entretien se passe bien, elle a vraiment besoin de quelqu’un, je sens qu’elle ne fait pas la fine bouche. Je n’ai aucune aucune expérience en jardinage, mais passons. 

En quoi consiste le boulot ?

Comment appeler cet endroit…

Riverside Garden… disons que c’est comme un grand camping, avec que des personnes âgées, qui vivent dans des grands cabanons / petites maisons… et qui partagent quelques parties communes dont un genre de grand salon, une piscine, un terrain de boules (pas de pétanque, mais un jeu similaire… je mènerais l’enquête). Je me sens d’ailleurs inspirée par les lieux, je ne vais pas tarder à écrire une petite série de fictions qui s’y passera.

Riverside Gardens street

Mon job dans tout ça ? Ce sera d’assister le « jardinier en chef » pour s’occuper de toutes les parcelles, communes et privées… tonte, pruning (élagage) etc. À ce que j’ai compris, nous serons 3.

Ça ne me fait pas peur 💪🏻 ! Et puis c’est 37,5 heures par semaine à 26 dollars de l’heure … je ne vais pas me plaindre. 

Seul bémol, c’est à 50 minutes de l’hostel, et… je commence à 7h du matin, ça pique… 

On n’a rien sans rien, et je suis fatiguée de Uber ! Donc c’est parti ! 

Une premier jour épique.
L’arrivée

Donc ce matin, lundi, hop le réveil sonne à 5h20. Je saute de mon lit, douche, j’enfile mon pantalon de travail, un t-shirt à manches longues (pour éviter les éraflures dues aux branches) et les superbes chaussures de travailleuse !  Pas le temps pour un café, je file. 

Je mets seulement 10 minutes pour aller à la gare, j’attends mon train, je m’y installe et c’est parti. Arrivée trop tôt à la gare, j’attends un peu là bas. Le rendez vous était à 5h45 au bureau, je ne veux pas arriver à 5h25.

Il fait bon, l’air est un peu plus frais qu’à Perth, mais il ne fait pas froid. 

Alors, à quelle sauce vais-je être mangée ? Qui seront mes collègues ? Les interrogations dansent dans ma caboche, quand je pousse la porte de la réception. 

Sue m’y attend, elle est moins agréable et plus stressée que le vendredi. Elle a oublié son sourire à la maison. Je remplis la dernière paperasse quand mon nouveau collègue entre à son tour, un brin en retard. 

Mon nouveau collègue

Je m’attendais à voir quelqu’un de mon âge… euh raté, il a une bonne cinquantaine d’années. 

Il est un peu étrange, très détente. Sue n’apprécie guère. Elle le rabroue quand il lui dit qu’il n’a pas eu le temps de remplir ses papiers. Il est choqué…

Ambiance, ambiance donc pour commencer la journée. 

Puis on suit Sue, on croise notre nouveau superviseur, Franck. 

Franck

Lui et Sue forment un duo tout à fait improbable. Il est son opposé pour à peu près tout. Elle est tirée à quatre épingles, quand lui semble sorti tout droit du lit.

Jardin avec Franck
Franck

Ses cheveux sont mi longs et gras, il les fourre sous une casquette dont il ne se sépare presque jamais. Son visage a quelque chose de la souris, et est éclairé par des yeux fuyants. Ses gestes sont emprunts de nervosité, il est timide et solitaire.

Les Lieux

Lui et Sue nous montrent notre nouveau lieu de travail. Notre QG se résume à un grand garage. Dans le coin deux frigos, un évier, un micro onde, et derrière les tondeuses, à coté des outils, ils ont installés une table de jardin pour la pause déjeuner.

De toute façon, nous n’y passerons pas des heures… Pause déjeuner de 30 minutes maximum.

Nous avons deux « Utes » qui nous permettent de faire le tour des terrains des 300 « maisons » de la propriété. Il va falloir que j’apprenne à les manoeuvrer, mais ça ne devrait pas être trop compliqué.

Le Ute dans l'allée
Le Ute
Première Mission : Le Veggie Park

Après un bref briefing sur les équipements de sécurité, sur les outils disponibles et sur la mission de « Pruning » (Elagage de tous les arbres et arbustes de la propriété), on se lance.

Je me sens toute penaude… Euh… Je fais quoi… D’accord, je mets les râteaux à l’arrière du Ute, ensuite, ok, je prends mes gants, mes lunettes et mes caches oreilles anti bruit… Je monte dans un des véhicules avec Keiron, l’autre nouveau. Ouf, il prend le volant, j’avoue, je n’étais pas hyper rassurée de conduire l’engin tout de suite…

Aujourd’hui, notre mission, c’est de dégager le « Veggie Park ». En bref, il faut virer les buissons et un grand pin, pour dégager le terrain. Ils veulent y mettre des arbres fruitiers… Grand bien leur fasse.

Pendant le trajet jusqu’à la parcelle, Keiron parle sans s’arrêter, il est très remonté contre Sue. Ah ça va, oui, il ne va pas se laisser traiter de la sorte par une vieille dragonne… Il enchaîne sur Franck qui a l’air d’avoir une peur bleue de la patronne (Ici, oui, c’est Sue qui décide !).

Une fois là bas, Franck est un peu perdu sur ce qu’il doit couper, il ne nous dit même pas ce qu’on doit faire, et commence à faire ronronner sa tronçonneuse. Ok… Bon bon bon…

Keiron a vingt ans de métier dans le jardinage (d’après lui, je ne pourrais vérifier…), il me guide. On ramasse les branches coupées, on les place à l’arrière de l’utilitaire. Et ainsi de suite.

La journée passe lentement

Ça va, ce n’est pas sorcier… Franchement, c’est facile, j’enchaîne les allers les bras chargés jusqu’à la voiture. Keiron et Franck me demandent de ralentir le rythme… Euh, d’accord…

Quand l’utilitaire est plein, Keiron et moi allons le vider. Ici pas d’excès de vitesse autorisé… C’est 8 km/h maximum, autant vous dire que tout est aussi lent que les pensionnaires… Ça risque d’être le plus compliqué pour moi.

Après deux trajets, Keiron me laisse prendre le volant, il m’aide à prendre mes marques, à manoeuvrer l’engin. Je suis fière d’y arriver haut la main à la fin de la journée.

Globalement, la journée est longue.

Mon collègue est gentil et bavard, mais voilà, c’est un peu un beauf, un australien pure souche. Il est un peu lourd parfois et tourne en boucle sur Sue. Si nous bossons ensembles, je vais apprendre beaucoup, mais… Je risque de trouver le temps long. Quant à Franck, il est dans sa bulle, il ne parle pas beaucoup et ne mange pas avec nous.

Une autre femme vient déjeuner dans notre petit « Workshop ». Allison a une soixantaine d’années, elle est rousse, un peu ronde, et semble être une vieille fille un peu coincée. Elle ne risque pas de ragaillardir l’ambiance.

Journée terminée

Nous finissons de dégager le terrain assez tôt. Nous rentrons donc vers 14h30 au QG. Là, Franck est déboussolé. Outils rangés, voiture garée. Il ne sait plus quoi nous faire faire. Il me demande de faire la vaisselle, pendant que Keiron remet de l’essence dans les outils (Ce ne serait pas un brin sexiste ça ??).

Très vite, je comprends pourquoi il a l’air paniqué. 14h40, arrivée de la Boss. Sue, un sourire figé sur le visage, nous questionne sur notre journée. Elle incite Franck à nous donner des tâches jusqu’à la dernière minute. Je finis en nettoyant le congélo… Vraiment ?? Ah d’accord… Ça va être comme ça…

Keiron secoue la tête, il ne va pas rester longtemps. 15h pile, on peut partir ! Alléluia !

Après 8h sur place, dont deux pauses de une demi heure, la journée se termine enfin. J’ai hâte de faire une sieste. Je ne suis pas habituée à ce nouveau rythme, et la fatigue se fait ressentir.

Le bilan de la journée est mitigé. Je sais maintenant conduire un utilitaire, décharger, attacher avec une corde le chargement… Ah, et j’ai assisté aussi à l’abattage d’un grand pin… Impressionnant… Ouaip Ouaip… Mais sinon, c’est long, c’est lent… Mais ce n’est pas trop mal payé.

On verra.

Le soir, je suis épuisée. Je fais une sieste et j’essaie de me coucher tôt.

Deuxième jour 
Adieu Keiron

J’arrive vers 6h50, je rejoins Franck. Il me propose un café. J’attends les instructions.

Sue arrive 5 minutes plus tard. Son regard balaie le hangar, un sourire narquois passe sur ses lèvres. « Keiron is not here ? », son ton est sans équivoque.

Keiron arrive à 7h01, elle lui demande de la suivre. Je ne reverrais plus jamais Keiron.

Allison m’apprend le midi, qu’Alex, un des mecs de mon auberge passe un entretien, et qu’il sera sans doute pris. Cool, je ne le connais pas très bien, mais il a l’air très sympa. Il est français, on pourra parler en secret, niark niark.

Le chat sauvage 

Avant de commencer la matinée d’élagage, on va déplacer le piège pour attraper le chat sauvage.

Deux pièges placés à deux endroits différents, pour attraper le vilain matou qui rode. Je ne vous dis pas l’énergie qu’ils y mettent. C’est un sujet sérieux, qui reviendra tous les matins.

Manqué, il leur a encore échappé !! Devraient-ils changer de marque de pâté pour chats ? Ou mettre le piège à un autre endroit ? Ils l’auront un jour, ils l’auront !

La journée d’élagage 

Bon bah voilà, pour cette deuxième journée, je me retrouve seule avec Franck, il parle peu, m’indique à peine ce que je dois faire. Toute la journée, il coupe et je ramasse les feuilles. Les minutes s’égrènent lentement.

Il a l’air content de mon travail et me permet un petit plaisir : me laisser couper les feuilles des Palmiers Bellini, des palmiers avec de petits pics à la racine des feuilles. Attention… Aie, piquée, vilaine plante va ! Mais couper les feuilles de palmiers me détend assez…

Les tâches sont répétitives et pas très passionnantes, mais je profite de l’air extérieur. Mes pensées remplissent ma journée.

L’arrivée d’Alex, une bouffée d’oxygène

Jardiner, c’est sympa, mais avec un pote c’est mieux.

Alex a commencé le mercredi. C’est parfait, on a maintenant notre petite routine. On fait le chemin ensembles, fin de nuit dans le train le matin, et hop c’est parti pour la journée.

Le rythme est toujours aussi intense… ou pas !

Franck s’est détendu et nous parle davantage depuis qu’Alex est là. On rit de cet endroit improbable, on fait signe à tous les petits vieux qui passent. Bref, on travaille dans une bonne ambiance, le plus dur, c’est de se lever, après tout roule.

Ramasser les feuilles, ratisser, vider l’utilitaire, la vie est douce à Riverside Gardens. Un seul post ne suffira pas à résumer cet endroit, et vous en lirez sans doute bien d’autres.

Alex "Tiping the Ute"...
Alex « Tiping the Ute »…
Bilan de mes deux premières semaines de travail
Taillage de buisson : Non acquis

Franck a essayé de nous laisser tailler les buissons. Alex ne s’en sort pas trop mal, même si Franki repasse souvent derrière…

Le buisson que j'ai taillé est dans un sale état.
Mon super premier buisson…

Quant à moi, je vous laisse apprécier la beauté de ma première oeuvre… Jardiner ? Une seconde nature.

Franck se détend

Franck est unique en son genre. Toujours agité de mouvements nerveux, il semble la plupart du temps perdu. Il boit une boisson énergétique à longueur de journée et semble pourtant constamment stone.

Parfois, c’est un sketch. Aujourd’hui, il s’est agenouillé derrière un buisson, a mis en route le taille haie, et hop, après l’avoir posé par terre, s’est grillé une clope en nous faisant un clin d’oeil.

Grâce à Alex, Franck se détend. Il est content de partager des cigarettes avec le petit. Parfois, on a un peu l’impression que c’est le moniteur de notre centre aéré.

Aller les enfants, exceptionnellement, ce soir vous pouvez faire un tour de Bobcat !

Je conduis le Bobcat
Moi dans le BobCat
L’Autre Con

Sue est mariée à Peter, dit l’Autre con ! L’Autre con aime arriver à 10h pendant la pause et importuner Franck jusqu’à la fin de celle ci. Mercredi, Franck n’a pas mangé le midi, parce que l’Autre Con l’a fait tourner en bourrique.

L’Autre con surveille, l’Autre Con rapporte à Sue tout ce qu’il peut. On n’aime pas l’Autre con…

Chat sauvage : Toujours en liberté

Chaque matin, c’est le même sketch. Franck part vérifier si les pièges ont réussi à capturer la bête.

Et chaque matin, il déplore l’absence de chat. Le chat existe-t-il vraiment ?

Oups… Quelques dégâts à mon actif

Il est possible que le quatrième jour, j’ai percuté par accident une petite boîte aux lettres. Je reculais pour me garer, deux secondes avant, je dis à Alex, « Je vais percuter la boîte aux lettres, c’est sûr ! ». C’est sûr.

En métal, elle n’a rien, j’allais doucement… Elle est juste un peu penchée maintenant.

Aucun témoin, on la redresse. Ni vu ni connu… Sauf que… Village de vieux !

La victime de mon crime, en cours de réparation.

Deux minutes, littéralement, après, Sue appelle Franck sur son talkie Walkie ! « Que s’est-il passé ? Les nouveaux ont écrabouillé une boîte aux lettres ?? ».

Oups. On remplira tous les deux un rapport d’incident sur le sujet. Plus de peur que de mal, la boîte est réparée.

On passera le râteau que j’ai cassé, l’autre utilitaire que j’ai doucement percuté, ou encore le vieux qu’Alex a failli écraser…

Ici les nouvelles vont vite

L’aventure de la boîte aux lettres nous aura appris que les commérages à Riverside Gardens vont plus vite que la fibre optique…

Une heure après l’incident de la boîte aux lettres, on travaille près d’une maison. La mamie me demande l’oeil pétillant si je peux percuter son hideuse boîte aux lettres aussi… Au moins, elle a le sens de l’humour.

Oui, oui, ici tout est vu, entendu et rapporté. Deuxième jour, j’ai roulé à … 15 kms/h. Je n’ai pas eu le temps de rejoindre Franck, qu’il était déjà au courant de mon excès de vitesse…

Conclusion des deux semaines

Voilà c’est la vie qui m’attend pour les prochaines semaines. J’ai sans doute oublié mille détails, j’aurais encore tant à dire ! Je garderais ça pour la fiction…

En attendant, c’est un job. Si sous la pluie, ça peut être un peu plus pénible, pour le moment, c’est le boulot le plus tranquille qui m’est été donné de faire…

Les jours de pluies je mets ma tenue jaune
Les jours de pluies, je suis équipée…

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