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L'Australie

Entre pelouse, haies et Franck

Un mois et demi à couper, ramasser, tondre la pelouse, on s’habitue, on apprécie, même si on se surprend toujours de l’endroit…

Un air de Riverside Gardens et sa pelouse, Photo by Nagesh Badu on Unsplash

Un mois et demi déjà

Il est temps d’entamer le deuxième épisode de ma vie de jardinière. 

Ça fait maintenant un mois et demi que je ramasse, je coupe, je tonds, et j’en passe… et ça me plaît ! J’aime travailler dehors, j’ai de jolies couleurs sur le visage, je travaille à l’air libre, c’est agréable. 

Ça me change du travail derrière un ordinateur, et puis quand on ramasse des feuilles, les pensées s’envolent, les idées se créent. C’est ressourçant !

Bon parfois, ce n’est pas le cas, ce n’est pas tous les jours tout rose… et puis l’endroit est unique, ceux qui y travaillent et ses habitants aussi. 

Riverside garden, est ce qu’on aime le principe ? 

Des vieux…

C’est quand même un endroit étrange, coupé du monde en un sens. Oui, ce serait comme un mini parc d’attraction avec ses décors de palmiers, d’arbustes, et de pelouses entretenues (par moi hehe), mais avec plein de vieux. Que des vieux et des petites maisons ! 

La vie est paisible à Riverside Gardens

Même les gens qui y travaillent sont vieux ! Franck est l’exception (c’est peut être la mascotte du parc ?), mais Sue la manager a bien 65 ans, Allison la soixantaine bien tassée, et le commercial qui vend les maisons, ne cache pas les six dizaines qu’il a au compteur ! Je fais adolescente dans cet environnement !! 

Ici pas d’attraction, juste des petites rues qui se suivent et des numéros de 1 à 299 éparpillés pas toujours de manière logique, le 203 est en face du 140… (Ceci étant allez savoir pourquoi, j’ai un super sens de l’orientation là bas, mémoire des nombres peut être… ?) 

Est-ce qu’on voudrait y vivre ?

Est-ce que j’aimerais me retrouver dans un tel endroit quand je serais vieille ? Non, pas vraiment… au fin fond d’une banlieue lointaine, dans une maison en plastique collée à celle du voisin, sur fond de camping de vacances… beurk… 

Et en même temps… en même temps, chacun d’eux a sa maison, sa voiture, mais profite, d’activités, de la piscine, du hall pour se retrouver avec les autres. C’est une pré-maison de retraite. Et puis, il y a moyen de choper, j’ai vu des mamies rentrer chez elles au petit matin… on ne me l’a fait pas à moi ! Coquines ! 

Vraiment ils y ont tout : une mini bibliothèque, un terrain de boules, un mini golf (bon avec un seul trou… faudrait pas mourir sur le parcours non plus…). Il y a même un billard et une table de ping pong… que demander de plus ? Aquagym le matin, tournoi de bridge tous les mardis soir, soirée cinéma le lundi, c’est une vraie colonie de vacances ! 

Évidemment, les évènements annuels sont plus de l’ordre des obsèques que des mariages, mais à chaque âge ses célébrations ! 

En tout cas, les petits vieux pour la plupart ont l’air de s’y plaire ! Et ils m’inspirent ! 

Les collections de nains de jardin

Une vraie passion

Il semble que nos petits résidents aient tous une passion commune… la décoration de jardin. 

Alors là attention, du nain de jardin, il y en a  en veux-tu en voilà. Mais le nain de jardin devient un brin obsolète et ringard, quand des collections de suricates de jardin, rivalisent avec les kangourous, les anges, les koalas, et tous les animaux que vous pouvez trouver ici ou ailleurs.

Ça me fascine le nombre de statuettes en pierre, céramique, métal ou bois qui ornent les jardins. Chacun y va de sa petite décoration personnelle, certains installent même des fontaines, des abreuvoirs à oiseaux ou des boîtes aux lettres animées. (Mention spéciale à la boîte aux lettres Koala et à celle Avion en métal.). 

Il faut s’imaginer que les jardins sont… minuscules, et que les personnages figés s’entassent sur de tous petits bouts de terrain… 

De la diversité

Attention, si certains les éparpillent au hasard, d’autres y vouent une véritable passion et créent un véritable univers. La meute de suricates nargue inlassablement la maison aux 150 vrais nains de jardins. D’autres encore se spécialisent dans un animal, le canard… ou tentent de réunir le plus d’espèces inanimées possibles sur quatre mètres carré de pelouse.

Un business

Tout un art ! D’ailleurs, l’art a un prix, et dans tout le « camping », il y en a à mon avis pour un bon paquet de dollars. Neufs ça vaut entre 20 dollars la toute petite et plusieurs centaines de dollars pour les plus imposantes. Par curiosité, si un jour je devais faire un vol de nains de jardin, j’ai regardé le prix de l’occasion. Les statues de jardin se revendent entre 5 dollars (ça ne vaut pas trop le coup) et 600 dollars sur gumtree… ça fait réfléchir 😈… 

La balade en Ute à travers le camping, c’est en fait un peu l’attraction « Small World » de Disney… bon sauf que les statues ne bougent pas et que la seule musique est celle du moteur… 

Franck

Un personnage

Ah Franck… on pourrait écrire un livre sur lui. Il est tellement unique, qu’il vous sera difficile de vraiment vous l’imaginer. 

J’avais déjà dit qu’il avait un look négligé, des cheveux gras mi longs, et qu’il était secoué de tics. Il faudra que vous ajoutiez à cela les bruitages. Franck fait des petits bruits avec sa bouche, à priori ça l’aide à se concentrer… enfin concentré, il ne l’est jamais vraiment. Et quand il nous appelle, il fait des tulululut tulululut ! 

Franck

Franck est comme un enfant, un enfant qui a des devoirs à faire, et qui a peur de la réaction de sa maman s’il ne les fait pas. Sa maman, c’est Sue. Quoi qu’il fasse, il a peur de se faire disputer. Il s’est créé un monde où Sue était un dragon cracheur de feu, qui le croquerait s’il faisait une erreur. Alors que Sue… ok, elle a ses humeurs, il y a des matins où Madame est un peu pète sec. Mais globalement, elle est gentille.

Franck fait des bêtises

Et comme tous les enfants, quand maman n’est pas là, il en profite pour faire des bêtises. La plupart du temps, il se contente de fumer en cachette. « Let’s waste some time » il chuchote à Alex et moi, avec un sourire malicieux. Bref il ne fait pas ses devoirs… 

Mais dernièrement, il m’en a faite une belle. Alex n’est plus là à ce moment là. Sue est de sortie. Premièrement, à 40 minutes de la pause, il me dit qu’il va vérifier un truc. 

Le piège à poisson

Je termine de peindre tranquillement la clôture, quand il revient un air malicieux sur le visage.  Il m’annonce fièrement qu’il est allé près de la rivière et qu’il a vu plein de poissons. Tout content, il s’enthousiasme en me disant qu’il va construire un piège à poisson. Et sur ce, il disparaît dans l’atelier. Il passe sa pause et 30 minutes supplémentaires à bricoler son piège. 

Imaginez le au fond de son atelier, à bricoler un piège avec un ancien piège pour chat sauvage, et à disposer au fond du piège à poisson… de la nourriture pour chats pour les attirer. J’ai des doutes quant à l’efficacité de la manoeuvre, mais passons… 

Après la pause de 10h, il me demande tout content si je veux l’accompagner pour aller déposer le piège. Je sens que ça lui fait plaisir, et puis je ne vais pas l’attendre à rien faire. Alors on sort de la résidence avec le Ute, on le gare à l’abri des regards près de la petite forêt. Il se croit dans un film d’espionnage, il s’infiltre dans les sous bois, jetant des regards par dessus son épaule pour être sûr qu’on ne le suis pas. Je le suis tranquillement, il avance quelques mètres devant moi, il contemple le petit cours d’eau en contrebas. L’eau est trouble et jonchée de détritus ça et là. S’il attrape un poisson, jamais je ne le mangerais. 

Toujours plus

Il jette son dévolu sur l’endroit qui lui paraît idéal, il s’assure d’attacher le piège à un tronc et le jette dans l’eau. Trop heureux de sa trouvaille, il contemple son piège couler au fond de la rivière. Seul problème aucun signe d’un quelconque poisson dans le cours d’eau. J’ai beau regardé, regardé et perdre mon regard dans l’eau qui ondule peu profonde, pas un brin de frémissement de nageoire en vue. 

Les moustiques me piquent déjà les mollets, et je m’apprête à rentrer, mais le petit Franck est lancé, et il continue de longer la rivière dans l’espoir de me montrer les dits poissons qu’il a vu plus tôt… Peine perdue, nous remontrons jusqu’à sous l’autoroute, où les seringues et les détritus ont remplacés les bois. Zéro poisson.

Il repart déçu, et me promet qu’on reviendra dans l’après midi pour voir si on a attrapé quelque chose.

Bredouille

On repart travailler, doucement, vraiment doucement. Et à peine la pause déjeuner terminée, il m’emmène triomphant vers la rivière, persuadé que les quelques heures d’attente nous auront apportées un beau poisson.

Manqué ! Arrivés au piège, il est aussi vide que quand nous l’avons laissé. Franck est déçu et parcouru de multiples tics de visage. Il déplace légèrement le piège et m’annonce qu’on ira vérifier demain. Nous ne vérifierons jamais, et le piège après deux semaines est sans doute toujours au même endroit et toujours aussi vide.

Sur le chemin du retour, Franck s’agenouille près des cailloux et les observe sous toutes les coutures. Il y passe une bonne dizaine de minutes. Quand il remarque que je l’observe interdite, il se justifie, il cherche… De l’or !! Il n’en trouvera pas non plus…

Coolos

Oui définitivement, Franck est un manager, qui n’en est pas un. Il est fainéant, et l’efficacité n’est définitivement pas sa tasse de thé. On ne va pas se plaindre, ça rend le travail facile et tranquille. Il répète à longueur de temps « Don’t Work too hard », « take your time », « Piano Piano » (enseigné par Alex !).

Pour exemple, nous avons mis 2 jours à remonter, repeindre et installer un panneau de clôture. Une demi journée aurait été amplement suffisante…

Son Seul Stress : La tonte de pelouse

Le seul moment où Franck est stressé et stressant est le moment de la tonte de pelouse.

Ah oui, alors là Franck est méconnaissable, il tremble d’angoisse. Trois jours seulement pour tondre toutes les pelouses du camping. Il se met la pression, il devient hyperactif et nous stress par la même occasion.

Il faut faire vite et bien ! Attention, on n’oublie pas le Zipper sniper et le blower pour nettoyer.

Il faut préciser qu’après mon épisode de la boîte aux lettres, Franck n’a absolument pas confiance en mes compétences avec les machines en tout genre, mais alors absolument pas !! Quand vient le moment de commencer, il me fixe droit dans les yeux et me répète de faire attention, que la tondeuse n’est pas un jouet, il me fait la morale de longues minutes. Tout ça, sous le regard amusé d’Alexis. Oui parce que ce que Franck a complètement sorti de son esprit est que les horribles traces de tondeuse faites lors de notre « entraînement » sont le résultat des roues avant d’Alex…

La tonte de pelouse : ma bête noire

Je déteste la période de la tonte de la pelouse. Voilà, c’est dit !

D’abord, oui, Franck est stressé et désagréable. Ensuite, on travaille seuls, isolés les uns des autres. Et enfin, si tondre, ça va, c’est tranquille, assis posés, on roule, c’est loin d’être pénible… Le zipper sniper est un enfer.

Le zipper sniper ou rotofil (en français) est un outil lourd, bruyant, qui vibre et qui fait mal !!! Après avoir tondu, il faut passer le rotofil dans les parties étriquées, les recoins et bordures. Qu’est-ce que c’est ? Simplement un fil en plastique qui tourne à grande vitesse et coupe les herbes restantes. Ok là, vous vous dites, oui enfin ça n’a pas l’air si horrible ?

Euh… Si c’est horrible, parce que ce super fil qui tourne comme un dingue, eh bien, il coupe l’herbe ok, mais il envoie aussi à super grande vitesse tous les petits cailloux et résidus qui traînent !!! Et c’est comme si un mini joueur de tennis vous envoyait des petites pierres sur les bras, les jambes, le visage. Avec le rotofil, pas question d’oublier ses lunettes de sécurité, sinon c’est l’aveuglement assuré !! A mort le rotofil !

Mais le pourquoi, vraiment je n’aime pas tondre… C’est l’organisation, enfin la non organisation de cette tonte de pelouse !!! J’en viens donc à la suite… Le management de tout ça.

Organisation et management, des concepts inconnus à Riverside Garden

La tonte de pelouse

Pour la tonte, c’est simple, on a trois jours. J’apprécie l’objectif, qui est déjà un bon point ! Mais… On n’a aucun plan de toutes les petites pelouses qui jonchent la résidence. Oui alors c’est un peu au petit bonheur la chance pour savoir si on n’a pas manqué des petites parcelles qui s’éparpillent ça et là.

Et puis Franck est stressé et il ne communique pas du tout ! Alors il part en trombe sur sa tondeuse et on ne le voit plus jusqu’à chaque pause. On n’a aucune idée d’où il est, de quelles pelouses il a faites… Encore une fois, il faut improviser. On perd un temps considérable à rouloter sur nos petites tondeuses en quête de la future pelouse à massacre !

Un maudit plan

Et c’est très représentatif de tout le reste ! Ici pas de plan détaillé, jamais, ce serait trop simple ! Et le seul plan que nous avons n’est pas à l’échelle (C’est marrant sur le plan, la partie à vaporiser de désherbant paraissait beaucoup plus petite…).

Le pire c’est la fois où nous avons creuser pour installer des panneaux de signalisation. Le sol est plein de cimente et de pierre. Alex, avec sa pioche, tape plusieurs fois le sol, jusqu’au moment où un jet d’eau manque de le tremper entièrement. Oups, on vient de creuser sur une canalisation. Ah bah non, on ne savait pas qu’il y avait un tuyau ici ! Boh si on sait comment couper l’arrivée d’eau ? Ah non aucune idée, mais on peut essayer toutes les arrivées d’eau du camping. Sans succès, il est temps d’appeler un plombier…

C’est fou, un plan… Juste un plan…

Pas d’objectif, de l’élagage jusqu’à la fin des temps

Sue paraît dure comme ça, mais elle est vraiment gentil au fond, et tous les matins, elle donne à Franck une liste de tâches à fare pour la journée. Seulement cette liste de tâches est une liste des tâches exceptionnelles seulement. Aucun objectif du nombre de maison à faire pour le pruning. Si bien que si certains jours, nous pouvons en faire 5, d’autres jours quand Franck est fatigué ou en gueule de bois, c’est tout juste si nous en faisons une !!!

Franck s’est mis à l’élagage le 29 Avril… Quatre mois et la moitié du camping est toujours à faire, alors que le printemps pointe déjà le bout de son nez !

Bilan après un mois et demi

Acquisition de compétences

C’est indéniable, on a appris plein de choses avec Alex ! Et tout ça sans beaucoup de stress ! 

D’abord, le jardinage, j’adore et je n’ai plus du tout peur de tous les insectes qui peuvent me tourner autour. Quand on sait que je pouvais battre Usain Bolt au 100 mètres quand je voyais une guêpe… c’est une sacré progression ! 

Et maintenant, je sais utiliser des outils dont je ne connais même pas le nom en français ! Blower, Zipper Sniper (pas sûre que ça s’écrive ainsi), tondeuse, coupe haie, sécateur et sac pulvérisateur, je m’améliore chaque jour un peu plus ! 

D’ailleurs, vous pourrez apprécier ma progression en taillage de haie… 

Dégâts

Oui, bon vous vous doutez que après un mois et demi, il y a eu quelques petits dégâts… Je n’allais pas me contenter d’une boîte aux lettres ! 

Il faut dire qu’Alex aussi a voulu s’y mettre et qu’à nous deux, on fait la paire… 

Donc le bilan des dégâts : 

  • Une barrière dans laquelle Alex a foncé avec la tondeuse. 
  • Une plaque en métal qui recouvrait l’arrivée d’eau, tuée d’un coup de lame de tondeuse (outil dangereux,à priori). Vous savez, c’était ce genre de moment, oú avant de passer sur la plaque, je me suis dit, hummm elle n’est pas tout à fait plate, c’est peut être une mauvaise idée. Et ssrrrrrhhhhherggg,énorme boucan, tondeuse qui s’arrête et ne veut plus redémarrer. Il est déjà trop tard. Oups. Plus de peur que de mal, les bras musclés d’Alex pour soulever la tondeuse, plaque enlevée et la tondeuse est de nouveau en service. Coriace ces machines ! 
  • Deux arroseurs l’un écrasé par le pied d’Alex, un autre coupé à la base par ma tondeuse. 
  • Un tuyau transpercé par la pioche d’Alex
  • Une balustrade d’escalier, cassée par Franck. 
  • Plusieurs rayures sur le Ute, qui a percuté l’autre Ute plusieurs fois (c’est gros aussi… c’est pas une twingo, c’est un peu large ok !) 
  • Un abreuvoir à oiseaux ébréché par la tondeuse d’Alex. 

Et à tout ça, vous pouvez rajouter la pelouse brûlée par les tondeuses, les fleurs décapitées par le zipper snipper, les haies qui ont subi nos entrainements.

Chat sauvage

Après plusieurs semaines, la traque du chat s’est achevée… ah non, ils ne l’ont pas attrapé. Ils ont juste abandonné. 

D’ailleurs quand on sait que la boss a pris le bruit de son déodorant automatique pour toilettes pour une bête sauvage qui habitait son sous sol… je pense qu’on peut émettre des doutes sur l’existence de ce fameux chat sauvage… 

Départ Alex SNIF 

Ce mois et demi, je l’ai passé avec Alex, et c’était super agréable !

On a bien ri de notre Franck national, on s’est confié, on s’est raconté les potins. Les trajets ensembles étaient sympas, parfois silencieux, parfois bavards.

J’ai travaillé déjà deux semaines sans lui, et je dois avouer qu’il me manque. Sa bonne humeur, sa façon de mettre Franck à l’aise et nos petites discussions lors de nos balades en ute.

On se reverra dans l’Hexagone, Alex !!

Je continue, avec une nouvelle Alex

Bien payé, pas trop pénible, je continue donc ce boulot jusqu’à ce que j’ai assez pour partir vers de nouveaux horizons !

Après deux semaines, très très longues, seule avec Franck, j’ai de nouveau une collègue, Alex ! Une allemande de mon auberge aussi.

De nouvelles aventures en perspective…

4 réponses sur « Entre pelouse, haies et Franck »

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