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Les Contes de Mymy

Le Loup et La Patate

Son moral en berne le rendait irritable et peu enclin à la conversation. Si bien qu’au bout de quelques semaines, il n’eut plus aucun compagnon de promenade et partait seul dans la forêt pour faire son tour quotidien.

Chupito le loup (Photo by Grégoire Bertaud on Unsplash)

Retrouvez Chupito le loup pour une nouvelle aventure !

Chupito, un loup admiré de tous

Il était une fois un beau loup noir au regard perçant, nommé Chupito. Il vivait dans la forêt avec toute sa famille et ses amis. 

Chupito était heureux, il menait avec brio sa meute dans la chasse et la défense de son territoire. Tous admiraient sa dextérité à l’attaque, sa précision dans les coups de crocs et son incroyable capacité à diriger en finesse sa troupe de chasseurs. 

Le drame

Un jour, alors qu’il entamait une course à travers les bosquets pour attraper un sanglier, il fut stoppé net par une incroyable douleur à la patte arrière. Il avait l’impression qu’on venait de lui arracher la patte. Il cria de douleur. Les autres loups chasseurs s’arrêtèrent instantanément. Ils se retournèrent précipitamment et virent Chupito à terre. Un piège à loup enserrait sa patte, les dents de fer s’enfonçaient largement dans sa chair ensanglantée.  Ils mirent quelques temps à s’organiser pour le transporter jusqu’à sa tanière. 

Chupito perdit connaissance durant le trajet, il perdait beaucoup de sang il fallait absolument le soigner au plus vite. 

Rien ne fut plus jamais comme avant

Durant plusieurs jours les louves s’acharnèrent à le soigner, elles réussirent à retirer le piège de sa jambe et soignèrent les plaies patiemment et tendrement. 

Chupito reprit connaissance après cinq jours. La douleur était à peine moins intense et il lui était impossible de bouger la patte de nouveau. Il resta plusieurs semaines dans la tanière médicale auprès des louves infirmières. Tous les loups étaient très peinés par cet accident, et beaucoup vinrent lui rendre visite, pour lui raconter comment se passait la chasse sans lui. 

Chupito remplacé

En effet, il avait fallu trouver un nouveau chef de meute pour chasser, en attendant son rétablissement. Le jeune Pablo s’était porté volontaire, et avait reçu l’assentiment de tous, rapide, vif et très observateur, il faisait un remplaçant idéal. 

Chupito approuva le choix du remplaçant tout en affirmant qu’il reprendrait bien vite sa place, se remettant le plus rapidement possible. Il gardait sa verve et son ton convaincant, malgré tous les doutes qui l’assaillaient. 

Chaque nuit, alors que la douleur l’empêchait de fermer l’oeil, il songeait à la place qu’il avait perdu, à cette mobilité qu’il ne retrouverait sans doute jamais. 

Au fur et à mesure que les semaines passaient, la douleur se fit un peu moins intense, et le beau loup ne supportant plus de rester allongé et inactif, tenta de se mettre sur ses pattes. 

Les balades du loup

A peine eut-il posé la patte au sol, qu’un mal fulgurant lui transperça le corps. Il poussa un cri et se laissa tombé sur le flanc. Les louves accoururent et le réconfortèrent. Il se débattit et décida de tenter de se lever une nouvelle fois. Cette fois-ci il ne posa pas la patte blessée et boitilla la patte relevée jusqu’à l’entrée de la tanière. Maladroitement, il passa le seuil de la grotte, il respira une grande bouffée d’air frais. 

Les loups aux alentours applaudirent et lui proposèrent de l’aide pour aller se promener. Il accepta. 

La balade fut courte, il lui était difficile de marcher sans poser sa patte folle à terre, et chaque mouvement augmentait encore un peu plus la douleur. On le raccompagna chez lui, il retrouva avec plaisir son ancien environnement. 

Durant les semaines qui suivirent, plusieurs loups se proposèrent chaque jour de l’accompagner dans ses promenades. Mais plus le temps passait, plus les espoirs de tous de revoir Chupito à la tête de la Chasse s’amenuisaient. 

Chupito perd le moral

Sa démarche moins hésitante n’était cependant pas celle du loup qu’il avait été. Il courait avec peine et ne pouvait marcher que quelques heures par jour. 

Son moral en berne le rendait irritable et peu enclin à la conversation. Si bien qu’au bout de quelques semaines, il n’eut plus aucun compagnon de promenade et partait seul dans la forêt pour faire son tour quotidien.

Bien sûr quand les autres loups, ses anciens collègues de chasse lui rendaient visite, il bavardait, son charme naturel faisait encore son effet. 

Mais depuis son accident le loup n’avait plus le moral, il avait perdu l’envie de vivre, l’envie de tout. Son rire était creux, son regard vide et triste. À quoi bon  vivre cette vie, lui si utile et actif avant, se sentait désormais un boulet pour sa propre meute. 

Une surprenante patate


Un jour, alors qu’il passait près d’un potager, qu’il trainait inlassablement de la patte, il entendit une voix étouffée dans un buisson. 

«Qui est là ! », dit-il presque en criant. Le buisson bougea, et une énorme pomme de terre avec de grands yeux bruns en sortit. 

«Ne me mangez pas, s’il vous plait. Supplia la pomme de terre.». 

Pour la première fois depuis des mois, Chupito se mit à rire, une patate, lui manger une patate, n’importe quoi, beurk ! 

«Je ne mange que de la viande ma chère, sachez le, avec moi vous pouvez être tranquille !». 

Soulagée, la patate se mit à rire de concert avec le loup. Il lui proposa de l’accompagner et de la protéger durant sa promenade. 

Durant les quelques heures de balade, la maladresse et l’humour naïf du petit féculent rendirent le sourire au loup  plusieurs reprises. La patate lui faisait du bien, et il en avait conscience. 

L’étrange amitié entre le loup et la patate

Ils se donnèrent rendez-vous chaque jour au même endroit et passèrent le reste de l’après midi ensembles. La patate était tellement pleine de bonne humeur et si loin de son univers qu’elle lui faisait du bien. 

Ils devinrent amis rapidement et Chupito se surprit à confier à la patate ses doutes et ses regrets. Jamais il ne pleurait en sa présence et pourtant la patate sentait souvent que le loup n’était pas loin de craquer. 

En effet, les autres loups l’avait un peu oublié et Pablo était devenu aux yeux de tous le nouveau Chupito. L’ancien leader n’était maintenant qu’un blessé auprès duquel on glanait quelques conseils mais qui ne rapportait plus de gibier. L’admiration passée et l’intérêt pour son charisme et sa ferveur à la chasse avaient peu à peu disparu. 

Sa patate tentait de le convaincre qu’il finirait par trouver une nouvelle place dans la meute et qu’il finirait par retrouver l’admiration de ses amis et de sa famille. Chacun de ses mots avaient cependant l’air de davantage blesser le bel animal, et la patate finissait toujours par y rajouter une jolie blague, afin qu’il retrouve le sourire. 

Malgré tous les efforts de la pomme de terre, et les instants d’amitié et de joie passés, le loup restait fort déprimé. 

Préparation au grand concours annuel

Vint bientôt le jour du grand concours annuel de chasse, pendant une journée, tous les loups et louves les plus adroits s’affrontaient dans une grande partie de chasse.  Pour la première année, Chupito ne pouvait y participer. 

Il ne restait que deux semaines aux loups pour s’y préparer et tous n’avaient plus que le concours à la bouche. Chupito ne put donc s’empêcher de penser à ses 6 dernières victoires d’affilée. D’ailleurs, beaucoup de concurrents vinrent lui demander des conseils sur la manière d’aborder le concours. 

D’abord flatté, il prit un certain plaisir à raconter ses anciens exploits et ses techniques personnelles. Cependant, il se rendit bien vite compte, que tout cela le confortait dans son statut de retraité, et il fut de plus en plus peiné. 

La dispute

La patate à l’annonce de ce concours de chasse, lui demanda alors : «Pourquoi n’y participes-tu pas ? Tu pourrais ?». «Tu plaisantes ? lui répondit le loup irrité, que veux tu que je chasse sur trois pattes, je ne compte pas m’humilier devant tous ces jeunes premiers.». Le loup se renferma et ne dit plus un mot tout le reste de la balade. 

La patate insista de nouveau : « Enfin Chupito, tu es l’animal qui a l’esprit le plus vif et le plus pratique que je connaisse, je suis sûre qu’avec un physique malade mais un esprit comme le tien tu peux les battre ses petits loups. Ce qu’il ont en plus en vitesse et dextérité, tu l’as en stratégie et en expérience non ? Ton instinct est resté intact lui…». 

C’en était trop pour le loup, il se retourna sur la patate et lui cria de le laisser tranquille. Qu’en savait-elle, elle la grosse patate qui n’avait jamais chassé, qui ne servait à rien et qui n’avait jamais rien connu dans sa vie. Une idée pareille était bien à la hauteur d’un esprit abruti d’une patate de seconde zone. 

Vexée, blessée, et profondément touchée par les mots du loup, la patate courut vers le potager et s’enfuit dans la terre, laissant le loup les yeux révulsés, bouillonnant de rage. 

La patate en danger

Après quelques jours, le loup fut prit de remords. Sa patate lui manquait terriblement, il partit donc la chercher près du potager. Il cria son nom, à plusieurs reprises, mais rien n’y fit, aucune patate aux alentours. Pris d’un mauvais pressentiment, il avait la sensation qu’une horrible chose allait arriver à sa petite pomme de terre préférée. 

Il jeta un oeil par dessus la clôture, il ne vit rien. Alors qu’il allait renoncer et partir, il entendit un petit cri étouffé provenant de la maisonnée. D’un pas claudiquant, il s’avança doucement. Par la fenêtre de la cuisine il vit la pauvre petite patate, dans un filet, posée sur une planche à découper près d’un grand couteau de cuisine affuté. 

Il fut saisit d’une peur panique pour sa patate adorée. Ah non, il ne pouvait décemment pas laisser son amie être ainsi découpée. Aussitôt il réfléchit un instant à un plan. 

Le plan du loup

L’homme habitant la maison avait forcément un fusil, et s’il tentait d’entrer, il risquait de se faire tirer dessus par le barbu. Non il lui fallait un plan. Il fit le tour de la maison, prit un gros morceau de bois et le lança avec sa gueule le plus fort possible sur la maison. La vitre du salon se brisa. Il refit le tour discrètement, entendit des pas vers la porte qui s’ouvrit à la volée. Le chasseur l’oeil courroucée fit précipitamment le tour de la maison. 

Il fallait faire vite pendant que l’homme cherchait le coupable parmi les fourrées. Le loup s’engouffra dans la maison, il atteint la cuisine rapidement. La patate était toujours sur le plan de travail. Malheureusement le loup ne pouvait se hisser sur ses pattes arrières pour l’attraper. Il fallait qu’il réussisse à faire tomber la patate dans son filet, sans risquer de faire tomber le couteau. Doucement, il poussa la chaise sous le plan de travail. Ensuite il se faufila dans le salon pour y faucher un cousin qu’il plaça sur la chaise. 

Un sauvetage périlleux

C’était le moment pour la patate de se laisser glisser et de tomber sur la chaise, le cousin devrait pouvoir amortir sa chute. 

Malheureusement sa patate semblait inconsciente. «Patate, tu m’entends ? Pataaaate.. c’est moi, je suis désolé pour ce que je t’ai dit… Viens roule, nous n’avons plus beaucoup de temps. Tu m’entends ?…». La patate fit un mouvement, elle ouvrit doucement les yeux. Il l’encouragea, lui donna toutes les instructions. La pomme de terre pourtant épuisée, finit par atteindre le bord du plan de travail. Face à la hauteur de la paroi, et la distance entre le coussin et son perchoir, elle hésita. 

Chupito n’avait pas dit son dernier mot, il l’encouragea encore et encore, lui redonnant confiance. La patate finit par se glisser et tomber lourdement sur le coussin. 

Ni une, ni deux, le loup prit le filet dans la gueule et boitilla jusqu’à la porte. Au même instant le chasseur revenait sur ses pas.

Alors qu’il venait de passer la porte, le loup se retrouva nez à gueule avec l’homme hors de lui. «Un louuuup ?!! Un loup chez moi ?!!! Ah ça non, tu va voir ce que tu vas voir !!!». 

C’était moins une

Le loup profita de la surprise de l’homme pour lui filer entre les jambes. Oubliant sa douleur, il courut et sauta par dessus la clôture. Il parcourut toute la distance depuis le potager jusqu’à sa tanière courant hors d’haleine. 

Il déposa la patate sur sa couche, enleva délicatement le filet dans lequel elle était attachée, et lui fit une grosse léchouille pour la réveiller. Elle sortit de sa torpeur et le remercia mille fois de l’avoir sauvée. 

Retrouvailles

Ils passèrent la soirée à discuter et retrouvèrent rapidement leur complicité. Cette histoire avait légèrement traumatisé la pauvre petite patate, mais elle avait eu le bon goût de donner l’envie à Chupito de participer aux fameux concours qui devait avoir lieu le lendemain. 

Il fit part de sa décision à la patate qui approuva avec une énorme joie. 

Vainqueur du concours

Le lendemain, Chupito se leva aux aurores comme tous les candidats et se mit à la recherche de proies. Il mit au point plusieurs stratégies. La patate sa complice, appâtait les lapins et autres petits rongeurs, et Chupito piégeait ainsi avec facilité les victimes. Il rapporta de sa chasse 10 animaux de plus que son principal concurrent Pablo. Tous les loups furent interloqués, ils n’en croyaient pas leurs yeux. Ils l’acclamèrent et se groupèrent autour de lui pour le féliciter. 

Ainsi depuis ce jour, Chupito a retrouvé son rôle de leader, il organise et dirige toutes les parties de chasse. Patate qui est devenu le petit clown de la communauté des loups, a rameuté toute sa famille et ses amis, et désormais, les pommes de terre et les loups font équipe pour chasser les herbivores de la forêt. 

Pour toujours, Chupito et sa patate restèrent amis. 

Fin

(Pour une autre histoire de loup…)

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