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Les Aventures Croustillantes +18 ans

La vie n’est pas une comédie Romantique.

155, incompatibilité romantique, Photo by charlesdeluvio on Unsplash

Biberonnée aux contes de fées

Comme beaucoup, on a passé mon enfance à me raconter de merveilleuses histoires de princesses. Et alors croyez moi, quand vous avez 10 ans, un début d’acné et que vous faites déjà du 41, la vie des princesses, c’est le graal, la vie rêvée.

Être une princesse, mais rien de plus simple…

Bon ok, au début, potentiellement, tu te fais tyranniser par une vilaine belle mère, ou une dizaine de petits bons hommes qui te forcent à faire le ménage. Mais attends, après, il te suffit de croquer dans un fruit pas frais ou de perdre une chaussure, et paf le prince débarque.

Aller, et là on est carrément sur une vie heureuse avec beaucoup d’enfants (beaucoup… combien, on ne sait pas… Genre 4 ou carrément 12 ? Non parce que c’est pas le même délire…).

À la vingtaine passée, les histoires de princesse, on commence à douter. Franchement, j’en ai perdu des chaussures en soirées, et croyez moi, c’est pas un prince que j’ai chopé après…

Et puis, franchement, la perspective de 12 enfants ça fait carrément fuir… Désolée, mais il va falloir trouver autre chose !

Pas de panique, le patriarcat a pensé à tout. Les princesses sont remplacées par des trentenaires névrosées de comédie romantique.

Déprimées, moches et pas bien dans leur peau (mais ce ne serait pas nous qu’ils essaieraient de représenter ?), elles croisent miraculeusement la route d’un homme au coin d’une rue, au détour d’un café ou encore au fin fond d’un bar, et alléluia, il leur montre la voie de l’amour.

Leur vie ne sera plus jamais la même. Amen.

Incohérente mais romantique

Alors oui, c’est marrant de penser que moi, la trentenaire célibataire et fière de l’être, qui aimerait faire de la chasse à l’homme une pratique olympique, soit elle-aussi prise dans ce tourbillon de débilités.

Eh bien désolée, mais oui, les téléfilms d’M6 ont aussi eu raison de moi. Alors clairement, je ne l’avouerais jamais, et j’aimerais ne pas y croire.
Mais voilà, mon inconscient me joue des tours.

Dans les supermarchés, il guette une main robuste susceptible d’attraper le même paquet de pâtes (Barilla, évidemment). Mes yeux cherchent les pupilles du prince charmant quand mes pieds eux évitent les rues bondées.

Alors oui, j’adore chasser. J’adore être maîtresse de la séduction, d’être actrice de mon désir, et de mes rencontres. Je suis fière de dire, que finalement, si je rencontre quelqu’un c’est d’abord grâce à moi.

Mais au fond, parfois, je l’attends cette magie, qui mettra un bel homme comme par miracle sur mon chemin.

C’est important ce que je vous dis là, pour la suite de cette histoire…

Un samedi soir trop arrosé.

C’est un samedi classique, jusqu’à cette tournée des bars avec Paulo, qui commence par 4 pintes à 17h30 et se finit par dix shots dans 5 bars différents.

Il est 22h30, quand je rejoins enfin ma petite rouquine de copine, l’alcool a fait son boulot d’inhibition, et je me sens plus motivée que jamais… Pour danser !

Bizarrement, je ne me sens pas si saoule. Pompette tout au plus, ou alors les shots de Jäger ont-ils déjà entaché ma raison ?

Adossée au bar, mes pupilles cherchent des proies potentielles, mais je n’ai pas envie de chasser. Pour rappel, je suis en pause.

Quand soudain, un homme passe devant moi, il nous bouscule à moitié, je lui fais une blague. Il rit. Son regard est droit et franc. Il se passe quelque chose entre nous. Nous sommes tous les deux troublés.

Il lâche un « À tout à l’heure. » et disparaît derrière la foule.

Rendez-vous manqué ou pas ?

Le tout à l’heure s’éternise, je danse, et j’oublie un temps les hommes. La tête me tourne, les vapeurs d’alcool s’ajoutent à la nausée de la cigarette que je viens de taxer.

Alors que nous prenons notre deuxième tequila paf, je me retourne, il est là. Son regard ne quitte pas le mien.

Ne serait-ce pas la magie que j’attendais ? Mais oui, c’est sûr, c’est l’homme des comédies romantiques. Il me demande d’une voix douce mon numéro de téléphone.

Il m’annonce qu’il change de bar avec ses potes. Oh non, ne pars pas si vite, bel étranger. Je soupire, le rendez-vous de nos lèvres est manqué pour ce soir. Quoique…

Après avoir entré mon numéro dans son répertoire, je passe ma main sur sa nuque et je le tire vers moi. Nos lèvres se frôlent d’abord, puis les langues se lient.

La sienne est un brin trop gourmande à mon goût mais ce n’est pas si désagréable.

Ses amis l’appellent, il me fait un dernier baiser, me lance un dernier regard de regret et disparaît.

Je passerai l’état déplorable dans lequel je suis rentrée ce soir là, et la gueule de bois infâme du lendemain.

Mais le lendemain, j’ai surtout, un puis deux puis un échange de quelques dizaines de textos avec le pas si mal (au vu de sa photo Whatsapp) Baptiste. (J’étais persuadée qu’il s’appelait Philippe, Cendrillon sort de ce corps).

Battre le fer tant qu’il est chaud

La conversation par message est plutôt agréable et reste très chaste (pour moi c’est assez rare pour être noté).

Nous décidons de tout faire pour nous voir cette semaine. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud, sinon nous nous oublierons, et qui sait, je passerais peut être à coté de l’homme de mon année (la vie, faut pas exagérer).

Bon une partie de moi y croit, et une autre se remémore les paroles de Sabine… rien en 2022. Et puis, il habite en banlieue, mais vraiment LOIIIIIIN en banlieue.

Je suis libre jeudi, lui le mercredi. Il insiste pour le mercredi. Sorry, je serai sur scène ce soir là. Il saute sur l’occasion, le bougre est motivé, il est partant pour venir assister au spectacle. Venir de si loin, pour me voir potentiellement me ridiculiser sur scène, si ce n’est pas de la motivation…

Autant vous dire que ça me stresse, euh, est-ce que c’est vraiment une bonne idée un premier date à mon spectacle d’impro ?

En plus, il vient seul, c’est gênant.

Je suis partagée entre le sentiment de vraiment vivre quelque chose de magique, ce n’est pas banal quand même, et l’instinct que tout ça est une très mauvaise idée…

Le jour J

Mercredi arrive enfin. Nous nous sommes écrits tous les jours. Se souhaitant bonne journée et bonne nuit, ça va un peu vite tout de même… Ne serait ce pas l’autoroute vers la dépendance affective tout ça ?

Le trac m’habite toute la journée. Trac de jouer ce soir, trac de le rencontrer. Me plaira-t-il ? Lui plairais-je ? Me trouvera-t-il ridicule sur scène ?

Les heures passent vite, et je me retrouve déjà au bar pour jouer. Nous étions censés nous retrouver avant, mais il est en retard, et il n’arrive que quelques minutes avant que je descende en coulisses.

Je l’aperçois dehors, je crois que c’est lui. Instantanément, je suis déçue. Avant même d’aller à sa rencontre, mon coeur se serre. C’est vraiment lui l’homme censé changer ma vie et y mettre des pétales de roses et des paillettes ?

Son physique est ok. Il est plutôt grand, assez mince, mais robuste. On devine une petite brioche de trentenaire. Trente et quelques années, d’ailleurs, c’est l’âge que je lui donnerais.

En revanche, le style, ça ne va pas du tout. Il fait hyper propre sur lui, premier de la classe. Chemise et pull par dessus, un manteau gris classique, et des lunettes qui lui font de minuscules yeux. Bref, il a l’air coincé…

Euh, c’est vraiment lui sur qui j’ai eu un coup de coeur samedi ? Faut vraiment que j’arrête de boire, moi…

Je viens à sa rencontre. Ses yeux ne pétillent pas, il ne sourit pas outre mesure. Ok, lui aussi est sans doute déçu. Eh bah, elle va être sympa cette soirée…

Post spectacle

Je le laisse avec un de mes potes d’impro, et je file à mon devoir de comédienne.

Le spectacle est plutôt réussi, mais j’ai ce sentiment d’en avoir trop fait ou pas assez. Je me sens frustrée, mais je n’arrive pas vraiment à mettre le doigt dessus.

C’est dans cet état d’esprit que je retrouve mes amis, et mon futur époux (une part de moi veut toujours y croire). Les épaules un peu voûtées, il semble muet face à mes trois copines. L’une d’elle m’envoit un regard équivoque. Elle sait. Elle sait que je ne suis pas enthousiasmée, que je ne le serai sans doute jamais d’ailleurs…

Aller, c’est la tradition, je prends tout de même un verre avec tout le monde. Mais je le sens tellement gêné d’être là, il sourit peu, mes blagues ne semblent pas faire mouche, et il n’est pas dithyrambique sur le spectacle…

Bon, je mets fin à ses souffrances et je lui propose de s’isoler loin de la foule de spectateurs, dans un autre bar.

Sur le chemin, j’essaie d’être légère, et drôle pour le détendre. Ce n’est pas tout à fait ça, mais c’est mieux.

Tête à tête

Monsieur est peut être introverti. Peut être qu’il se sentira plus à l’aise entre quatre yeux ?

Je commande une bouteille de vin rouge, que nous accompagnons chacun d’un plat. Il n’est pas très bavard au début. On se rend vite compte qu’il a quatre ans de moins que moi. Rien de dramatique, mais je sens qu’il s’en sent presque gêné.

La conversation est laborieuse. J’ai l’impression de sortir les rames. Il rit à mes blagues, certes, mais moi, je m’ennuie.

Les verres s’enchaînent, et je sens qu’il se détend. Sa main vient attraper la mienne sur la table, et je sens la chaleur de sa peau. C’est bête, mais ça faisait un moment que personne ne m’avait pris la main comme ça.

Et pour moi, le contact physique, c’est… pas le plus important, mais franchement essentiel. Alors je le laisse réchauffer mes doigts glacés entre sa paume et ses doigts.

Et quand au milieu d’une phrase, il se penche et m’embrasse, là aussi je me laisse aller. J’attends le déclic, ce moment où ce sera une évidence. Une évidence physique d’abord, puis peut être intellectuelle.

Mais le baiser ne crée pas d’étincelle, je ne ressens aucune alchimie. Zéro. Rien. Nada. Il n’est pas horrible ce baiser, mais il n’est pas évident.

Hésitation

Je sais que la plupart des filles se seraient arrêtées là. Pas d’évidence, ciao. Mais je voulais en avoir le coeur net. Parce que pour moi, c’est l’ultime épreuve. Il m’est arrivé de n’avoir aucun atome crochu avec quelqu’un, d’avoir un sentiment de « bof » en l’embrassant et de finalement Bim avoir une super osmose avec au lit.

Ok, j’avoue, c’est très rare. Mais voilà, j’avais envie d’y croire.

Quelques minutes après, je suis dans les toilettes, face au miroir, en plein débat avec moi même.

— Aller, propose lui de venir chez toi ! Franchement, même si c’est comme le baiser, ça vaaaaaaa. Et puis ma fille, ça fait longtemps là, j’ai faim moi…

— Non, mais il ne me plaît pas, il est pas ouf quand même. Là ses lunettes, ça ne va pas du tout. Et puis, franchement, je suis fatiguée.
— Ah non, pas le coup de la fatigue ! Tu lui donnes sa chance ! Franchement, c’est loin d’être le pire, il est gentil… Et sa main, la chaleur…. Meuf, fais le pour moi.
— On verra…

Je quitte les toilettes, sans plus savoir ce que je vais faire. Alors quand il a tenté un « Ah mince, mon dernier train est dans 10 minutes. », mes lèvres n’ont pas pu s’empêcher de prononcer « Au pire, tu dors chez moi. ».

« Au pire », on peut dire que j’ai le sens de l’invitation.

Plus de retour en arrière

Evidemment, il n’a pas même essayé de courir après son train. Il est resté en face de moi, à me papouiller les phalanges, en sirotant son verre de vin.

La décision est donc prise, il repart avec moi.

Nous quittons le bar, ses doigts serrent les miens, il fait si froid, je ne demande pas mieux. Nous nous engouffrons dans la station de métro la plus proche, et sur le quai, il me prend dans ses bras pour m’embrasser.

C’est agréable… Oui agréable… Mais pas wahou. Nous ne sommes pas dans ma comédie romantique… Vraisemblablement…

Dans le métro, je meuble le silence, et lui s’occupe de me faire taire à coup de baisers. Le saoulerais-je ?

Voilà, pas d’évidence

Arrivés chez moi, il est beaucoup plus entreprenant. Mais comme le reste de la soirée, il est moyen. Il n’est ni généreux, ni radin en caresses, on dirait un peu qu’il suit une feuille de route.

Ingénieur jusqu’au bout du lit. Je ne suis pas emportée. Mes pensées vagabondent loin des plaisirs charnels. Impossible de le regarder pour jouir. Alors je ferme les yeux, et je laisse d’autres fantasmes faire le travail.

Sa peau est chaude, et mes doigts la caressent en imaginant celle de quelqu’un d’autre.

Il n’y aura pas d’orgasme pour moi, pour lui si. Sa langue cherche une nouvelle fois la mienne. Définitivement, pas d’alchimie. Ma comédie romantique n’est apparemment pas pour aujourd’hui.

Je profite tout de même de son corps chaud pour me blottir contre lui. À défaut d’être un bon amant, il fut une bonne bouillotte.

Honnêteté

Le matin, son câlin se fait plus équivoque. J’ai toujours envie le matin, les corps à moitié endormis qui se réveillent par le plaisir…
Personnellement, je trouve qu’il n’y a pas meilleur moyen de commencer la journée…

Alors je suis réceptive, et nos corps se lient de nouveau. Mais la déception me frappe encore. C’est dingue d’avoir un tel manque d’osmose.

Il finit par quitter mon lit, il enfile ses affaires et s’en va. C’est pas tout, mais il doit traverser la moitié de la région parisienne pour passer se changer chez lui… Oups.

Un dernier baiser sur les lèvres, un signe de main et je ferme la porte. J’oscille entre la déception et le soulagement.

A peine quelques heures après, il m’écrit pour me raconter son périple. Je tarde à répondre, lui pas. J’espace les échanges.

Le weekend, aucun de nous ne donne de nouvelles. Je suis soulagée que nous soyons au moins en phase pour se dire que nous ne l’étions pas.

Quand le lundi, il me propose de venir chez lui. Je ne peux le laisser sans réponse, et c’est avec la plus grande honnêteté que je lui avoue que je ne souhaite plus le revoir. L’évidence n’était pas là. Bonne chance, Philippe… Euh Baptiste !

En espérant que ma comédie romantique arrive un jour…