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Les mystères de Riverside Gardens

Chapitre 4 : Pièges et conspirations

Paula et Franck semblent s’acclimater à la vie de Riverside Gardens. Mais éviteront-ils les pièges et les conspirations déjà présents ?

Un peu moins de 3 ans plus tôt… 

Photo by Annie Spratt on Unsplash

Paula 

 Cela faisait déjà deux semaines que Paula avait emménagé dans ce substitut de village de vacances, peuplé de vieilles carcasses et de corps disgracieux. C’était malheureusement pire que ce qu’elle avait imaginé. Les autres femmes ici se laissaient totalement aller, leur seule passion résidait dans ses figurines affreuses et totalement inutiles qui peuplaient leur jardin. 

Paula se sentait incroyablement seule dans cette résidence. Il fallait absolument qu’elle arrête son repérage et qu’elle passe à l’action. Il y avait tout de même de quoi se mettre sous la dent. Oui, la plupart des hommes ici n’étaient pas très en forme et peu attrayants, mais elle avait repéré quelques beaux spécimens tout de même. 

D’abord, il y avait ce grand gaillard, c’était quoi son nom déjà ? Ah oui, Bruce… Bon il était marié… Comme tous les autres d’ailleurs. Oh ça va, elle rendait service à leur femme. Paula les rendrait plus épanouis, et ils pourraient filer tranquillement retrouver les jupes de leur ménagère quand elle en aurait fini d’eux. 

Un mari, c’était bien la dernière chose qu’elle recherchait. Elle comptait mourir aussi libre qu’elle avait vécue. Pas d’alliance, pas de fausse promesse, que du plaisir et quelques parties de jambes en l’air. 

Tiens, elle avait vu que la piscine ouvrait tôt. Elle n’arrivait plus à dormir de toute façon, alors autant faire quelque chose de son temps. Sa salle de fitness lui manquait, et elle sentait déjà que son corps se rabougrissait. Oui, les séances de gym dans son salon n’étaient pas suffisantes. Peut être qu’une heure de natation l’aiderait. 

Une pensée furtive embrasa son esprit, elle repensa au beau déménageur, à la chaleur de ses caresses… Il fallait absolument qu’elle se retrouve un petit casse croûte. Sans nul doute, c’était la raison pour laquelle elle se sentait seule. Elle s’ennuyait, elle avait besoin de s’amuser. Paula sortit des draps en satin, se dirigea nue vers sa commode et en sortit un beau maillot de bain rouge. Elle l’enfila, se para ensuite de son déshabillé en satin doré. La piscine n’était qu’à quelques minutes de marche. Elle fourra ses pieds dans des mules assorties à son peignoir.

Sur le chemin, elle aperçut plusieurs rideaux se lever sur son passage. Les pupilles indiscrètes la contemplaient, interloqués. Elle sentait dans leur regard cette lueur de désapprobation qu’elle avait toujours suscitée. Mais la désapprobation est souvent la maîtresse de l’envie. Et bien souvent les hommes décontenancés finissaient par se jeter dans ses draps sous le regard médusé de leur dulcinée. Désolée les poulettes, mais le désir ne se crée pas en robe de chambre de velours aux vieux motifs fleuris. Il faut y mettre du vôtre si vous désirez que vos hommes ne se laissent pas amadouer par une autre… Paula avait appris avec le temps à n’avoir aucun scrupule. Aucun. 

Enfin elle apercevait la piscine. Déjà quelques vieux biscuits s’y trempaient nonchalamment. Beurk, il allait falloir qu’elle partage le même bassin. Elle prendrait une longue douche quand elle rentrerait, tant pis. 

Quand elle entra sous la véranda, les voix se turent. Tous l’observaient, les yeux ronds la détaillaient. Elle se fit un plaisir d’enlever sa robe de chambre en satin au ralenti. Les iris des trois hommes s’éclairaient d’une lueur vorace à mesure que son corps se dévoilait. Au contraire, les sourires des mesdames se faisaient amers. Quand elle eut ôté son déshabillé, elle le jeta d’un geste précis sur le banc. 

Elle fit le tour du bassin lentement en faisant rouler ses hanches. Son regard balayaient les trois mâles. L’un était trop rond et trop rougeaud à son goût. Le deuxième était légèrement plus attirant, mais pas encore assez pour réchauffer sa couche. En revanche, le troisième était très bien conservé. Il avait un maillot de bain rouge assorti au sien. Serait-ce un signe ? 

Ses pieds descendirent les marches tranquillement, l’eau était agréablement chaude. Ce ne serait pas idéal pour nager, mais pour le moment, Paula avait un tout autre sport en tête. 

Andrew tourna la tête quand elle commença à lui toucher l’épaule. 

Rita

Rita contemplait le miroir l’air serein. Elle se sourit à elle même. Son tailleur lui allait encore, et cette teinte bleu lavande lui donnait une mine superbe. D’accord, elle n’arrivait pas à fermer les boutons. Mais après tout sa fille ne lui avait-elle pas dit que les tailleurs se portaient désormais ouverts ? Moderne. Voilà, elle était moderne, et c’est justement, ce pour quoi les femmes et les hommes du comité l’éliraient ! 

Çà faisait des mois qu’elle préparait son élection, des mois qu’elle en faisait des tonnes, qu’elle préparait pâtisserie sur pâtisserie. Oui, des mois qu’elle sympathisait avec chacun, qu’elle les faisait se sentir importants. Bien sûr, parfois elle était sincère. Oui, il lui arrivait de vraiment éprouver de l’empathie, d’apprécier réellement les moments qu’elle passait avec ses futurs électeurs. Enfin, la plupart du temps, elle feignait, elle feignait l’entrain pour les ateliers en macramés, elle feignait sa peine en écoutant les veuves déblatérer sur leur défunt mari. 

Un vrai animal politique, elle s’adaptait à chacun et leur faisait sentir qu’ils étaient au coeur de ses préoccupations. Il lui arrivait de regretter de ne pas s’être mise à la politique plus tôt. Après tout, ici on ne parlait que d’être la présidente du comité. Son pouvoir ne s’étendrait qu’à 300 foyers, un peu moins de 500 personnes… Mais c’était déjà ça. Pour la première fois de son existence, elle avait soif de pouvoir. Et cette soif n’était pas prête de s’étancher. 

Dans quelques heures, elle serait élue. Il n’y avait plus aucun doute. La défaite n’était même pas une option. Son concurrent principal Andrews avaient abandonné quelques jours plus tôt. Et seul Pete, le mari de Sue se présentait désormais face à elle. Personne ne voulait d’une personne si proche de la sorcière pour président. Sue possédait déjà assez de pouvoir, il n’était pas question pour les résidents de Riverside Gardens de lui offrir un empire. Rita représentait tout ce que Sue exécrait, et vice versa. Rita avait la sympathie des autres propriétaires, Sue, elle, suscitait la peur. Et le village n’était pas une république soviétique, la peur ne triompherait pas. 

Rita, lissa une dernière fois sa jupe du plat de sa main, attrapa son sac et se dirigea vers l’entrée. Un dernier coup d’oeil à son intérieur modeste mais bien rangé, et elle ferma la porte. Pas de Bruce pour lui souhaiter bonne chance, pas de dernier bisou moustachu pour lui donner un brin de force supplémentaire. Son homme était absent.

Son grand bricoleur était sa seule ombre au tableau. Depuis la disparition du van, il était l’ombre de lui même, il déambulait en pyjama l’oeil torve la moitié de la journée. Il buvait, il buvait de plus en plus. Est-ce qu’elle regrettait d’avoir vendu le van ? Oui, parfois. Quand elle le voyait passer sa bouteille de bourbon à la main du salon à la terrasse, elle se mordait les doigts d’avoir fait une telle chose.

Mais avait-elle le choix ? Non, elle n’avait pas eu le choix. Elle ne se serait jamais fait élire présidente, si tous savaient qu’ils n’arrivaient pas à payer leurs factures. Ici tout n’était qu’apparence, et les nouvelles figurines qu’elle avait pu acheter pour son jardin lui avaient valu bien des compliments. On ne l’élirait pas seulement pour son intelligence, ses projets ambitieux, mais aussi et surtout pour l’image qu’elle renvoyait.

Non, le problème, c’est que Bruce commençait à la questionner de plus en plus. Il commençait à fouiner, à chercher comment son van avait disparu. Quand il cessait de boire, c’était pour questionner les voisins du terrain vague, pour aller harceler Sue. Ou alors il passait des heures à analyser chaque cailloux du terrain, à la recherche d’indices. Il était tenace, il se doutait de quelque chose. Le scandale n’était pas une option et il fallait qu’elle trouve un moyen d’éloigner Bruce de la vérité.

Malheureusement, il commençait à poser des questions de plus en plus pertinentes. Questions auxquelles Rita peinaient à répondre avec naturel. Pas plus tard que ce matin, il lui avait d’ailleurs posé une tonne de question sur les deux nouveaux koalas en pierre qui ornaient le jardin. N’étaient-ils pas fauchés ? Comment avait-elle pu s’offrir les deux marsupiaux ? D’où venaient ses nouvelles finances pour flamber ainsi. Elle avait bafouillé que c’était un cadeau. Mais à l’air suspicieux de Bruce, elle savait que le mensonge ne prendrait pas longtemps.

Ses kilos en trop la faisait avancer doucement jusqu’au hall, elle salua plusieurs des voisins, et s’arrêta même pour discuter avec certains.

Au milieu du chemin, elle croisa la nouvelle voisine Paula. Elle lui adressa un salut, puis en perdit la voix en voyant Andrews la suivre docilement des étoiles dans les yeux. D’un pas déterminé, la nymphe se dirigeait vers chez elle, en tirant la manche du peignoir d’Andrews. Son regard avait une lueur animale. Un frisson parcourut le dos de Rita. Cette femme lui faisait froid dans le dos.

Franck

184 ! Le chat sauvage avait été entendu au 184 ! Il fallait y aller sur le champ. Franck se retourna vers Bill et lui indiqua du doigt les 3 pièges qu’il avait ramené de son garage. Bill le regarda avec amusement, en sirotant son café.

Rien ne pressait, ils avaient toute la journée pour s’occuper du chat. Mais Franck avait raison, ils allaient y passer des heures. Plus longtemps, ils mettraient à poser des pièges, moins d’heures de travail effectif ils auraient à faire. Bonne idée, Franck.

Franck secoua la tête quand Bill lui proposa une tasse fumante. Il voulait du lait. Du lait, froid, il adorait ça. Et qui d’autre aimait le lait ? Les chats. Les chats sauvages aussi. Oui c’était des chats et les chats aimaient le lait. Hum, peut être que Franck était un chat. Il rit, à cette pensée. Bah non, il n’était pas un chat, sinon il ne serait pas là. Mais peut être avant ? Oui avant, dans une autre vie. C’est grâce à son esprit félin qu’il les attraperait.

Deux semaines déjà qu’il essayait. Peut être que les pièges de vendredi avaient porté leur fruit. Il fallait aller vérifier. Franck ne tenait plus en place, il remit quatre fois de suite sa casquette. Bill, assis sur la chaise au fond de l’atelier, commençait à s’agacer. Oui, Franck pouvait aller installer des pièges et aller vérifier les anciens. Il finissait juste son café et il le rejoindrait.

Franck sourit, il se mit à mettre avec précipitation les pièges dans le Ute. Il lui fallait un bol, il allait y mettre du lait. Alors qu’il attrapait une coupelle dans le placard, il se tourna vers Bill. Les pièges, c’était son rayon, il avait l’habitude. Bill ne savait peut être pas, mais Franck était le David Crockett d’Australie. Ah oui, il pouvait attraper n’importe quel animal. Les lapins, les lapins, c’était facile. Non, les opossums ce n’était pas facile, mais il savait. La cage… c’était la cage qu’il fallait dissimuler, il fallait placer des feuilles tout autour. Et… et attendre.

Bill hochait la tête l’air absent. Deux semaines déjà que le petit nouveau le bassinait avec ses histoires. Quand Franck mima le lapin pris au piège dans la cage, Bill éclata d’un rire puissant. Franck se tut.

Ce n’était pas drôle, il ne voulait pas lui faire du mal au lapin. Il aimait bien les lapins. Oh oui, les lapins et leur pelage tout doux. Avec leurs grandes oreilles, ils étaient mignons. Franck cligna des yeux plusieurs fois et sourit. La voix de Bill lui demandant s’il comptait y aller maintenant ou jamais, le ramena à la réalité.

Ah oui, le chat sauvage. Les pièges. Franck se précipita vers l’utilitaire, et démarra en trombe sous le regard médusé de Bill. Décidément il allait devoir se faire à ce drôle de personnage.

Franck manqua de renverser un couple qui sortait de la piscine, ils avaient l’air coquin. Des cochonneries, ils allaient faire des cochonneries. Les chats sauvages aussi étaient coquins. La saison des amours duraient un mois de plus que pour les autres mammifères. S’il l’attrapait, il l’emmènerait à la maison. Entre chats, ils s’entendraient peut être bien. Il imaginait la tête de ses voisins s’il se promenait au coté de son chat sauvage. Son rire reprit.

157, le piège d’hier était là ! Il l’avait placé entre les deux maisons. Il sortit du Ute et courut presque jusqu’à l’endroit où le piège était. Aucun piège à l’horizon !! Mais euh, enfin. C’était au 157, il en était sûr. Ou peut être que… Ah oui, c’était peut être 175, oui c’était sûrement 175. Il se précipita de nouveau vers le Ute et fit crisser les pneus en démarrant.

Il sauta du véhicule, sans même prendre la peine de couper le moteur. Ah, son piège était là, il se tut, aucun bruit. Pas de miaulement. Déçu, il s’approcha de la cage en métal, il mit sa tête à l’intérieur. Toujours pas de chat. Roh, il pensait qu’il allait l’attraper cette fois. Il fallait déplacer le piège. Il fallait du lait.

Le piège en main, il se dirigea vers le ute. Il s’apprêtait à le lancer à l’arrière du véhicule, quand il remarqua sur le coin du piège plusieurs gouttes de sang. D’instinct, il lâcha la cage et examina ses mains et ses bras. Aucune trace de blessure.

Alors, si ce n’était pas son sang… C’était sans doute celui du chat sauvage.

Sue

Sue attrapa la liasse de billets dans son tiroir et la plaça au fond de son sac. Elle referma la fermeture éclair de la pochette en cuir. Ses pieds nus cherchèrent ses escarpins du bout des orteils, et les enfilèrent, non sans regret. Une fois debout, elle vérifia que son pantalon n’avait pas de faux plis, referma un des boutons de sa blouse et sortit du bureau.

Le temps pressait, la lettre disait « Si tu ne veux pas que tout soit découvert, place 500 dollars en petites coupures tous les vendredis, sous l’aération du hall. ». Au départ, elle en avait ri. Elle avait accusé Rita. Après tout, cette femme avait vendu le van de son mari derrière son dos, alors lui extorquer encore un peu d’argent, c’était sûrement dans ses cordes. Mais Rita et elle étaient liées par le secret, et si le sien était découvert, celui de Rita suivrait dans l’instant.

Alors si ce n’était pas Rita, qui était-ce ? Pour le moment, il fallait gagner du temps et lui donner les 500 dollars. Mais pas question de se laisser racketter chaque semaine. Il allait falloir qu’elle découvre qui était derrière tout ça.

En quittant l’accueil, elle percuta la lourde silhouette de Bruce. Oh non, encore lui ? Depuis que son van avait disparu, il venait chaque jour aux nouvelles. Non, la police ne l’avait pas retrouvé. Ils ne l’avaient pas cherché, mais ça, elle ne lui dirait pas. Non, les vidéos de ce jour là n’étaient pas disponibles. Non, non et non, il ne pouvait pas y jeter un oeil.

Elle s’excusa, le contourna et se précipita dehors. D’un pas rapide, elle se dirigea vers les voiturettes électriques. Elle s’installa, posa son sac sur la banquette. Ses yeux s’attardèrent un moment sur la pièce de cuir, comment en était-elle arrivé là ? Elle chassa les idées noires de son esprits et démarra.

Elle manqua de percuter la nouvelle résidente Paula. Avec dédain, elle détailla son déshabillé en satin, et grimaça un sourire et un bonjour de rigueur. Mais celle-ci la remarqua à peine, elle tirait de sa main manucurée la manche du peignoir… D’Andrews. Oui, le bel homme, comme hypnotisé la suivait docile.

Sue s’arrêta un long moment, elle contempla les deux silhouettes s’éloigner. Il fallait qu’elle le dise à Martha. Ou peut être… Peut être que c’était sa voie de sortie. Peut être qu’elle pourrait faire chanter Andrews pour qu’il l’aide à mettre la main sur le maître chanteur ! Oui, elle était là sa solution. Merci, mon dieu. Il lui avait placé devant les yeux la clef pour résoudre tous ses problèmes.

Le coeur un peu plus léger, elle se dirigea vers le hall. Elle y entra, vérifia que personne ne s’y trouvait et plaça sous le conduit d’aération la liasse de billet.

Au moment, de quitter le hall, elle chercha du regard le moindre signe de vie. Pas âme qui vive. Elle se retira.

Susan

Alors que Susan sortait le gratin du four, elle entendit la sonnerie des messages de son téléphone retentir. Sa fille lui avait montrer comment mettre une sonnerie différente pour chaque personne. Ting Ting Ting, c’était Rita.

Rita lui en voulait encore de ne pas être là pour son couronnement. Pardon, son élection. Mais c’était tout comme. Rita avait été grisée par le pouvoir. Elle poursuivait la présidence depuis des mois. Oh, au début, ça avait été marrant pour Susan. Elles complotaient toutes les deux. Susan la conseillait, elle l’encourageait. C’était marrant de tirer parti de sa gentillesse pour influencer les gens en faveur de Rita.

Honnêtement, elle croyait en Rita. Son amie avait la tête sur des épaules bien solides, elle avait de bonnes idées et assez d’énergie pour retourner toute la résidence. Elle ferait une présidente parfaite, il n’y avait pas de doute.

Seulement voilà, depuis l’annonce du… CANCER, Susan eut un haut le coeur, elle avait besoin de Rita l’amie, pas la candidate. Sa confidente avait déserté pour s’occuper des affaires de toute la planète Riverside Gardens. Elle n’avait plus le temps de l’écouter. Ça faisait des jours que Susan tentait de lui dire pour Rick, des jours qu’elle essayait en vain d’obtenir des conseils pour communiquer la nouvelle à ses enfants. Pas de Rita. Il allait falloir faire seule.

Le gratin était parfait. C’était bien la première fois qu’elle ne brûlait pas un plat. Il faut dire que d’habitude, quand elle réunissait sa famille, elle restait au salon avec tout ce petit monde. Elle profitait de ses trois enfants et pouvait jouer des heures avec ses quatre petits enfants. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle n’avait pas le coeur à rire, elle n’avait pas le coeur de faire semblant.

Dans quelques minutes, il allait falloir qu’elle endosse le rôle de maman, une nouvelle fois. Il allait falloir qu’elle les rassure, qu’elle leur caresse les cheveux, en leur disant que tout irait bien. Non, papa n’allait pas mourir, il allait lutter et on continuerait d’avoir des déjeuners comme celui-ci des années durant. Elle n’en avait pas la force. L’angoisse la paralysait, son instinct ne l’avait jamais trompée et elle savait, elle savait que Rick allait en mourir de ce cancer.

Susan puisait sa force de Rick, elle ne pourrait pas être le rock de la famille une fois parti. Elle adorerait pouvoir porter sa famille à bout de bras, mais ses mains fébriles arrivaient à peine à soulever le plat du gratin. C’est elle qu’il faudrait ramasser à la petite cuillère.

Elle porta le plat à bout de bras, et sortit de la cuisine. Tout le monde était attablé, leur air grave ne faisait aucun doute. Rick avait dû lancer la nouvelle sans préambule. Les visages étaient vides d’émotion, tous semblaient digérer la nouvelle. Elle déposa le plat sur la table, tourna ses yeux plein de larmes vers la fenêtre.

Andrews sortait du hall une enveloppe à la main.

Bruce

Les vapeurs de whisky ne lui empêchaient pas d’avoir les esprits clairs. Sue cachait quelque chose, elle le fuyait. Elle savait sûrement ce qu’était advenu de son van. Bruce n’abandonnerait pas, il allait trouver qui lui avait pris son bijou et il lui ferait regretter son geste !

Il avait souvent vu roder Pete, le mari de Sue, près du terrain vague. Ah ça, il ne serait pas surpris que le vieux con soit l’auteur du crime. Il ne supportait pas que quelqu’un d’autre soit plus doué de ses dix doigts que lui. Pour se marier à une sorcière pareille, il fallait une bonne dose de stupidité.

Ceci étant, il aurait aimé que Pete gagne l’élection. Rita avait changé ces derniers temps. Il ne la reconnaissait plus. Elle, si attentionnée, si prévenante à son égard, c’est à peine si elle prenait le temps de lui masser les pieds avant de se coucher. Incroyable.

Oui, elle changeait. Elle se prenait pour la reine d’Angleterre, et elle n’avait pas encore la couronne. Mais Bruce n’avait rien d’une première dame et le politiquement correct n’était pas son rayon. Pourquoi l’avait-il aidée à obtenir cette maudite présidence ?

Ça avait tellement l’air de la rendre heureuse. Quand une nuit, il avait appris les activités illicites auxquelles se livrait Andrews, il n’avait pas fallu plus de dix minutes pour convaincre le bonhomme d’abandonner l’investiture. Vous auriez-dû voir le sourire béât sur le visage de Rita à l’annonce de l’abandon de son concurrent. Il n’aurait pas pu lui faire plus plaisir.

Si seulement Rita ne s’était pas laissé aveuglée par le pouvoir… Avec ses nouvelles figurines qui sortaient de nulle part, il se demandait si Rita, elle aussi ne tremperait pas dans des choses pas très claires.

Bon, il fallait qu’il cesse de s’embrouiller les esprits. Il était là pour le van. Et si Sue était en vadrouille, il ne pourrait trouver meilleure occasion. Il jeta son regard sur Alison qui gardait l’accueil. La femme d’une soixantaine d’année respirait la mélancolie et le désespoir. Il lui fit un sourire charmant.

Les yeux paniqués, elle cherchait un échappatoire, un moyen de se dérober. Impossible, Bruce s’avançait déjà jusqu’à son bureau. Il planta ses yeux dans les siens. « Je veux voir les vidéos du jour où mon van a disparu !! ». Elle bafouilla, police, plus rien ici. Mais Bruce ne lâcherait rien. Il savait d’instinct que les vidéos étaient encore bien sagement dans la salle de contrôle.

Il ne dirait rien, il voulait juste voir s’il reconnaissait l’auteur des faits. Sa voix s’adoucit, après la peur, la pitié. Il était prêt à tout pour voir ses enregistrements. Il lui fit part de sa peine, son van c’était toute sa vie, pour son dernier voyage. Alison hocha la tête. Il reprit une voix dure, la manière douce ou la manière forte , il faudrait qu’elle choisisse. Puis d’une voix suave, il ajouta « Ce sera notre petit secret. ».

Il avait raison. Après avoir capitulé, Alison le mena au moniteur de contrôle. Bruce s’assit devant l’ordinateur. Il n’était pas familier de ce type de technologie. Lui c’était les scies, les perceuses et les ponceuses son rayon. Alison lui indiqua sur l’écran les différents dossiers. 20 septembre 2017, voilà c’était là. Il cliqua sur la vidéo du portail d’entrée.

Un homme de grande taille entrait vers 19h un sweat à capuche sur le dos. Impossible de voir son visage. En revanche, une trentaine de minutes plus tard, son van passait les grilles. Il cria à Alison de rembobiner, de mettre sur pause. Bon sang, comment ça marchait. Fébrile, elle s’exécuta, et rembobina de quelques secondes. Au moment où le van passait les grilles, elle appuya sur pause.

Le regard de Bruce se brouilla. Ses yeux étaient écarquillés, il ne pouvaient croire à se qui se déroulait sous ses yeux. Ce visage, il l’aurait reconnu entre mille. Son fils, Mickael.

Suite la semaine prochaine…

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