Catégories
Les mystères de Riverside Gardens

Chapitre 9 : De découvertes en trahison.

Neuvième chapitre. Rien ne va plus pour Bruce, l’étau se resserre. Sue découvrira-t-elle son secret ? Et Rita ?

Qui trahira Bruce ? Photo by Dmitry Ratushny on Unsplash

Sue

Sue regardait les trois jardiniers d’un air circonspect. Son regard passait de l’un à l’autre, essayant de découvrir lequel des trois avait encore commis un dommage. Sa bouche était pincée, ses yeux ne déversaient que de la haine et de l’agacement. 

“Alors j’attends, personne n’a rien à me dire ?”. Elle se tourna vers Mélanie, droite comme un i, et affichant un air coupable. Mélanie tressaillit, baissa la tête puis la releva, et finit par avouer d’une voix fluette, avoir coupé un arroseur avec la tondeuse la semaine dernière. 

Sue secoua la tête, non, non et non, ce n’était pas cet aveu qu’elle voulait. “Autre chose ?”. Mélanie baissa de nouveau la tête, l’air désolé. 

Sue balaya la réponse d’un revers de main, et se concentra sur Benjamin, le deuxième jardinier. les mains dans les poches, il avait un air nonchalant, extrêmement agaçant pour Sue. Mais sa belle bouille, et son incapacité à comprendre l’anglais correctement empêchaient toujours Sue de pouvoir passer ses nerfs sur lui. 

Face au regard inquisiteur de Sue, il hocha les épaules et sourit. Il sourit de ce sourire charmant et plein de malice. Argh, ce jeune homme savait y faire. Sans même s’en rendre compte, elle lui sourit en retour et ses yeux passèrent de la colère à la bienveillance. Il avait gagné.

“Vous pouvez sortir tous les deux, Franck, puis-je vous parler un instant ?”. Elle avait évité de le regarder depuis qu’ils étaient entrés dans son bureau. Rien que de le voir gesticuler dans tous les sens nerveusement, la mettait dans un état de nerfs. 

Les deux jardiniers quittèrent la pièce précipitamment. Elle les suivit du regard à travers la vitre quand ils longèrent son bureau. Benjamin riait aux éclats en imitant Franck, et Mélanie souriait détendue d’être passée à côté de la catastrophe. Il faudrait qu’elle les remette dans le droit chemin ces deux-là, elle leur referait une petite visite dans l’après midi. Mais pour l’heure, il fallait qu’elle parle à Franck. 

À contre cœur, elle reporta son attention sur lui. Il avait enlevé sa casquette et la faisait tourner entre ses doigts. Ses cheveux étaient gras et tombaient sur son visage. Il était secoué de tics, ses yeux clignaient frénétiquement. Elle serra les poings, elle avait tout simplement envie de le frapper quand il était comme ça. 

D’une voix ferme, elle le somma de s’asseoir. Il opina et attrapa maladroitement une chaise qui tomba au sol. Il se confondit en excuse, en la remettant en place et en s’asseyant. 

Sue lui tourna le dos et fouilla dans le tiroir de son bureau. Elle en sortit le casque anti-bruit orange de Frank. 

Dans un geste quasi théâtral, elle le posa violemment sur la table. 

Les yeux de Franck s’arrondirent de surprise, il l’avait cherché partout. Il regarda affectueusement l’objet. Sue devint furibonde, non mais il devait bien se douter qu’elle ne convoquait pas les trois jardiniers juste pour un oubli de casque dans un jardin, voyons !! 

Franck fut de nouveau secoué par une vague de tics, il fuyait le regard de Sue, et commençait à s’agiter de plus en plus sur sa chaise.  

Elle reprit le casque entre ses mains et commença à le faire tourner, le manipuler avec agilité. Les yeux de Franck se fixèrent sur le mouvement des phalanges de la vieille sorcière. Les doigts manucurés imprimaient un mouvement presque naturel, et Franck fasciné par cette danse commença à se détendre. 

“Monsieur Grant a trouvé ça dans son jardin. Or, Mr Grant habite au 52, 52 qui n’est pas du tout sur le programme d’élagage. Je pourrais me demander ce que vous faisiez là, mais vu l’état du jardin…”. Elle posa le casque, attrapa son téléphone sur la table, et après quelques secondes montra les photos du carnage à Franck. 

Un minuscule sourire se dessina au coin de la bouche de Franck. Il le réprima, pourtant repenser à cette sensation de liberté totale, à cette destruction jouissive, le mettait de bonne humeur. 

Sue s’aperçut que Franck était ailleurs. Elle tapa du poing sur la table. Maintenant, il fallait qu’il soit bien attentif. 

Il avait de la chance de travailler ici, peu d’entreprises l’auraient gardé sans permis de conduire et après avoir découvert qu’il avait fait deux ans de prison. Ce job, il y tenait ? Franck hocha la tête, paniqué. Très bien, alors s’il voulait le garder, il allait falloir lui dire pourquoi il avait fait ça. 

Les yeux de Franck étaient tels ceux d’un lapin face à un renard, ses pupilles dansaient dans leurs orbites en quête d’une réponse convenable. 


Il commença à se balancer d’avant en arrière. Que faire, sauver sa peau ou rester muet. Son cerveau n’eut pas le temps de se décider, ses lèvres laissèrent échapper un “Bruce” timide.

Sue se figea. Bruce. Le mari de Rita. L’ami d’Andrews. Bruce qui avait donc deux fois plus de chance de connaître la vérité sur ses combines. 

Elle se plaça derrière Franck et lui prit les épaules. Ravalant son dégoût du contact de ses doigts avec la chemise humide du jardinier, elle planta ses ongles à travers l’étoffe. Franck se ratatina sur sa chaise.  

Il fallait qu’il lui dise tout ce qu’il savait sur Bruce, et que désormais, il lui rapporte tous les faits et gestes du vieux bonhomme. Franck acquiesça, pressé d’échapper aux griffes de la sorcière. Mais son emprise était solide et elle ne semblait pas vouloir lâcher. 

“Maintenant, il va falloir m’expliquer pourquoi vous avez saccagé ce jardin pour Bruce ?”. 

Franck 

Franck remontait l’allée jusqu’au workshop, un sourire satisfait sur le visage. Il avait réussi à mentir, il n’en revenait pas. Son propre aplomb l’avait surpris. “Pour Rita.” Mais quel éclair de génie, il avait eu. Oh il fallait qu’il le dise aux autres jardiniers. Oh non, ils ne devaient pas savoir.

Tant pis, il allait falloir le dire à Bruce. Non, non il ne trahirait pas Bruce, ça jamais ! 

La vieille sorcière n’avait pas lâché si facilement, elle avait insisté, pourquoi pour Rita. Et il avait réussi, son imagination s’était mise en branle et hop, sa langue s’était déliée. Mr Grant tournait autour de Rita, Bruce avait voulu le mettre en garde. Mais quel génie ! Franck avait presque envie de se prendre dans les bras, et de s’embrasser. Quand il le dirait à Vicky ce soir, elle serait fière ! 

Arrivé à l’atelier, les deux jardiniers étaient affalés au soleil, offrant leurs visages à une petite bronzette matinale. Il leur fit un signe, et s’enfuit vers le van de Bruce. 

Ses épaules étaient encore douloureuses des griffes de la sorcière. Il se massa doucement à travers le tissu. Le chat sauvage ! Mais oui !  Il ne serait pas étonné que Sue soit le chat sauvage. Oh oui, peut être qu’elle se transforme la nuit, et devient un chat féroce. Maintenant qu’il y pensait,ses yeux, ses griffes… Mais pourquoi avait-elle arrêté ? Peut être qu’elle aussi profitait des pilules d’Andrews, et peut être que… oh les pilules la transformaient en chat sauvage ? 

Non non, il divaguait. Et puis, il aimait bien les chats sauvages, alors que Sue… 

Il était enfin devant le van de Bruce. Il toqua d’un coup sec puis de deux petits coups saccadés. La porte s’ouvrit. Bruce s’agitait autour de la cuisine. Il secoua la tête en voyant Franck entrer d’un pas hésitant. 

“C’était la 25, Franck, pas la 52, la 25. C’est pas bien compliqué quand même.” Il le fit s’asseoir sur la banquette. “Ceci étant, tu as tellement pris ta mission à coeur que tous ceux qui me devaient de l’argent se sont exécutés dans la minute !”. 

Franck balbutia des excuses et commença un récit confus de sa convocation de ce matin. Bruce pâlit à chaque nouvelle phrase qui sortait de la gorge de Franck. 

“Ça ne me dit rien de bon qui vaille… “, vociféra Bruce. Le grand bonhomme commençait à faire les cent pas dans le van. Le van tanguait presque. Franck eut un haut le cœur, il lui fallait une pilule, juste une, une toute petite. Mais Bruce ne semblait pas apte à lui faire ce cadeau. Franck tendit la main vers un sachet qui trônait sur le comptoir. Ses doigts attrapèrent le plastique et tirèrent dessus, le sachet glissa du comptoir, Franck agrippa de ses doigts la surface lisse aussi fort qu’il le put. Malheureusement, le plastique glissa de ses mains moites, et le sachet tomba. Si le sachet ne fit aucun bruit ou presque en s’écrasant, le bruit des pilules qui roulent sur le sol sortit Bruce de ses réflexions. 

“Franck !”. Comme un père qui rabroue son fils, il repoussa Franck d’une main ferme sur la banquette, et ramassa à la hâte les perles roses qui s’étalaient sur le sol. Bon sang, que ce gamin pouvait être maladroit. Il fallait qu’ils trouvent une stratégie pour gagner du temps. 

Franck qui avait réussi à subtiliser trois des bonbons qui roulaient encore sur le sol, profita d’un moment d’inattention du vieil homme pour les engloutir. Cette fois-ci, il ne s’étouffa pas. Les pilules dégringolèrent dans son gosier avec une facilité déconcertante. L’effet serait bientôt là, ça allait être merveilleux. 

“Bon franck, qu’est-ce que tu vas inventer pour Sue la prochaine fois ? Il faut qu’elle te croit en train de m’espionner, il faut que tu lui donnes quelque chose si tu veux être sûr qu’elle continue à te faire confiance.”. 

Franck réfléchit, il allait être un agent double, oui, oui un agent double, un vrai. Il n’en revenait pas. Peut-être que Bruce lui donnerait des gadgets. Oh Vicky n’allait pas le croire. Lui, Franck Stick, un espion ! Il allait regarder des vidéos de ninjas ce soir, un espion ninja. Il allait sauver Bruce, et ensuite, il sauverait le monde ! 

Le raclement de gorge de Bruce le sortit de ces rêveries. Ah oui, que raconter à Sue. Il pouvait improviser. Ça avait marché la première fois après tout. Bruce grommela dans sa moustache, non, c’était trop risqué. Il s’agenouilla et prit Franck par les épaules. 

Il faudrait que Franck répète exactement tout ce que Bruce allait lui dire. 

Susan

Susan ferma doucement sa porte et descendit son péron. Il fallait qu’elle parle à Paula de Bruce et Andrews. Elle avait besoin d’aide pour enquêter sur Bruce. Rita paraissait ailleurs ces derniers temps, et avant d’accuser son mari, il valait mieux qu’elle mène l’enquête avec Paula. 

Le vent soufflait fort en cette matinée, et elle sentait presque qu’elle pouvait s’envoler. Elle resserra sa veste sur ses épaules frêles, et eut un frisson. L’image des bras de John qui se resserraient autour de son buste la fit tressaillir. 

Depuis plusieurs jours, elle faisait des rêves, la nuit, mais aussi le jour, John hantait ses pensées, il allumait un feu qu’elle ne reconnaissait pas en elle. Evidemment, elle repoussait ses visions charnelles, ses tentations vaines. Non, elle ne pouvait pas recommencer. Non, impossible. Elle en avait envie, mais l’image de Rick furibond assis sur son nuage l’en empêchait. 

Et puis quand ce n’était pas Rick qui éclatait sa bulle de fantasme, c’était l’image de Paula à califourchon sur John, avec ses cheveux de sirène, sa croupe parfaite et son regard machiavélique. Elle ne serait pas à la hauteur, elle n’avait pas été à la hauteur. Il allait la comparer à Paula, et elles n’avaient tellement rien à voir toutes les deux. 

Son estomac se serra, et un brin  de tristesse naissait dans son cœur à la pensée qu’elle ne revivrait rien avec John. Que lui avait-il fait pour qu’elle ressente de nouveau quelque chose ? Elle, si apathique, dont la vie ne se résumait qu’à celle des autres, voilà qu’elle sentait le frisson de l’égocentrisme de nouveau, elle avait envie de parler, de se laisser aller à des confidences, de s’épancher sur cette sensation excitante qui naissait au creux de son bassin, quand elle pensait ou qu’elle apercevait John. 

Non, non, elle ne pouvait pas. Elle secoua la tête, essayant de chasser malgré elle son sourire qui naissait quand elle pensait à l’homme au chapeau. 

Elle marcha d’un bon pas jusqu’à la maison de Paula. Sur le chemin, elle croisa un Franck surexcité qui sautait de trottoir en trottoir en faisant de drôles de mouvements avec ses bras. C’était un drôle de personnage ce Franck, mais il était innocent, et serviable. Elle lui dit bonjour d’un signe de tête, mais il ne s’aperçut même pas de sa présence, absorbé par l’histoire imaginaire qu’il jouait. 

Elle réprima un rire en observant les buissons en forme de vulve du jardin de Paula. Ah celle ci, elle n’en manquait pas une, sacré Paula. Depuis que la nymphe s’était ouverte à elle, Susan l’appréciait de plus en plus. Son humour mordant, cette audace que la belle avait, et cette fêlure aussi qu’elle arrivait si bien à cacher. 

Trois quatre marches et elle toqua. Allait-elle trouver Paula dans les bras d’un amant encore ce matin ? 

La porte s’ouvrit sur une Paula décoiffée et encore en chemise de nuit. Oh pas cette chemise de nuit en coton aux motifs fleuris que toutes les dames du village arboraient, non, non une belle chemise de nuit en dentelle pourpre et satin. Pourtant ce matin, Paula n’était pas aussi apprêtée qu’à son habitude, et les cernes qui s’étendaient sous ses yeux n’étaient pas non plus dans ses habitudes. 

La nymphe lui somma d’entrer. Elle enchaîna en s’excusant de sa tenue, elle venait tout juste de se réveiller. “Tu ne vas plus à la piscine ?” s’enquit Susan, c’était pourtant connu que Paula ne ratait pas une occasion de montrer son corps tonique tous les matins à la piscine. 

“Plus depuis…”, Paula laissa sa phrase en suspens et tourna la tête. 

Aïe, Susan ne s’attendait pas à cette réaction. Au moins, elle allait pouvoir enchaîner rapidement sur le pourquoi de sa venue. 

“Oui, je comprends, d’ailleurs, je voulais te parler à ce sujet.

  • Tu ne veux pas attendre la réunion d’avancement avec Rita demain ? Personnellement, je n’ai pas beaucoup avancé… , la mine de Paula se renfrogna. 
  • C’est-à-dire que je préfèrerais que ça reste entre nous, pour le moment…”

Paula regarda Susan plus intensément, puis l’invita à s’asseoir à la table de la cuisine. Machinalement, elle prit deux tasses dans le vaisselier, et les posa délicatement sous la machine à café. Pour la première fois, Susan se rendit compte que Paula aussi était une vieille dame. Ses gestes étaient sensuels et gracieux, mais elle perçut de légers tremblements dans ses mouvements, elle observa ses mains ridées et tachetées. Non la vieillesse n’épargnait personne. Tout le folklore de Paula, son assurance, son corps qu’elle tentait de modeler encore et encore et ce malgré son  âge, tout ça était une couverture, un subterfuge pour dissimuler sa vieillesse. La plupart des gens, ici, ne voyaient pas sous les atours et pour eux Paula avait vingt ans de moins. Mais Susan n’était plus dupe, en cet instant, Paula semblait porter lourdement ses quatre-vingt longues années. 

Les pensées de Susan s’envolèrent quand Paula posa enfin les tasses sur la table. Elle l’invita d’un mouvement de tête à se lancer. 

Alors Susan expliqua, elle raconta à Paula avoir vu Bruce et Andrews entrer dans la piscine, la veille de la mort d’Andrews. Elle lui expliqua aussi que Andrews trempait dans des affaires pas très légales. Et elle ajouta d’une petite voix, qu’elle le savait, car elle aussi, avait participé. Paula la regardait avec de grands yeux. Elle semblait à la fois surprise et fascinée. 

“Sacré Andrews ! Et toi ! Petite cachotière !”. Paula se gratta le menton, et enchaîna, elle comprenait pourquoi Susan ne voulait pas en parler à Rita. Mais Bruce ? Vraiment ? S’il avait quelque chose à voir avec ça, c’était un accident, c’était sûr. 

Susan hocha la tête, toutefois il fallait qu’elles s’en assurent. Mais comment ? Paula, avec sa légendaire douceur, posa violemment la tasse sur la table. Benjamin ! Le jardinier pourrait surveiller Bruce ! Et s’il trouve quelque chose, hop, Paula irait confronter le vieux bricoleur ! 

Susan regarda Paula droit dans les yeux, elle y vit sa détermination. C’était presque effrayant. Elle lui faisait confiance, la nymphe ne laisserait pas le secret de Bruce se dérober. 

Susan allait partir, mais l’envie de partager ses rêves à propos de John à Paula était trop forte. Paula perçut l’hésitation dans le regard de Susan, et la questionna. Susan vida son sac, les rêves, le désir qui renaissait, et même les songes hantés par la nymphe. Paula rit, et l’encouragea. Susan avait bien plus à offrir que ce que Paula n’avait jamais donné à John, et puis Rick serait heureux de la voir heureuse. Aller Susan, ne te trouve pas d’excuse et laisse le revenir. 

Paula la chassa, prétextant avoir du pain sur la planche avec le petit Benjamin. Susan se retrouva sur le péron, confuse. Que devait-elle faire ?

Sur le chemin du retour, elle réalisa que John n’avait pas cherché à la recontacter, alors peut-être qu’après tout, elle devait juste l’oublier. Pourquoi se faire des films, alors que l’histoire n’avait même pas commencé ? 

Arrivée devant chez elle, elle aperçut le chapeau. Son cœur se mit à battre à la chamade. Quand il se retourna, un grand bouquet de roses dans les bras, elle crut que son cœur allait s’arrêter. 

Bruce

La porte se referma derrière Franck. Bruce soupira, comment allait-il se sortir de ce bourbier ? Il connaissait Franck, et même s’il le savait armé des meilleures volontés, disons que Franck était… instable. Oh oui, il allait falloir qu’il finisse illico son van et qu’il s’apprête à partir. 

Il remit le sachet de bonbons roses dans le placard, et s’apprêtait à reprendre sa perceuse, quand il rouvrit le placard. Aucun doute, il manquait deux sachets, il en était sûr. Il les recompta. Dix, il devrait y en avoir dix. Il n’en comptait que 8. 

Oh non, pas encore !! Il blêmit, si ces sachets se retrouvaient entre de mauvaises mains, il en serait fini de son rêve de grand espace, bonjour la case prison. Lui qui détestait être enfermé… Il attrapa sa perceuse et fixa frénétiquement chacune des planches du plancher. 

Qui avait pu ? Personne à part lui n’avait la clé du van. Franck ? Non impossible, il l’aurait vu ? Forcément, il l’aurait aperçu enfouir les sachets dans ses poches. Et puis Franck était fidèle, il le lui aurait demandé. 

Bruce regarda par la fenêtre en quête d’un indice, il vit le jeune Benjamin, fumant une cigarette en observant le van du coin de l’œil. Qu’avait-il ce petit branleur ? Serait-ce lui le voleur, après tout ? 

Furibond, Bruce sortit du van en trombe. Le marmot n’eut pas le temps de jeter sa cigarette que le vieil homme attrapait déjà son col de t-shirt et le soulevait dans les airs. “C’est toi qui les a volés, hein ? Pas étonnant pour un français ! Tu vas me les rendre immédiatement ! tu m’as bien comp… ?”. Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une Paula tout de rouge vêtue sortie de nulle part, lui planta ses griffes dans l’avant bras en criant “Tu vas le lâcher, oui !! Tu vas nous l’abîmer !!”.

Les mains de Bruce lâchèrent le t-shirt du jeune homme. Il tomba lourdement sur le sol, pourtant il se releva aussitôt et partit à grande enjambées vers l’atelier des jardiniers. Il ne serait pas surprenant qu’il court raconter son aventure à la petite Mélanie. 

Les doigts de Paula se détachèrent du bras de Bruce, laissant quatre belles marques rouges sur sa peau tannée. Comment allait-il expliquer ça à Rita ? Il jura dans sa moustache et fit face à Paula. “On doit parler tous les deux.”; dit-elle d’une voix ferme. Il hocha la tête et lui montra son van. 

Elle le suivit, quand elle entra, elle émit un petit son de surprise. “Waouh, c’est beau dis donc !”. Bruce bomba le torse, oui, il avait presque fini, quelques retouches et ils seraient prêts à partir. Paula fit un tour du van l’air inquisiteur. C’est vrai qu’il avait fait du très bon travail, le van était magnifique. Même elle qui était habituée aux décors luxueux, pourrait s’imaginer y vivre. Bon elle n’aurait pas choisi ces rideaux et ses coussins, mais ça se changeait après tout. Elle reprit ses esprits. 

“Qu’aurait-il volé, le petit Benjamin ?” demanda-t-elle d’une voix ferme. Il balbutia, il grogna, s’assit, se remit debout, et finit par faire face à Paula. “Ce ne sont pas tes affaires.”. Malheureusement la voix de Bruce n’était pas aussi franche et nette qu’il l’aurait voulu. Les yeux de Paula étaient plongés dans les siens, impossible de détourner le regard. Cet femme avait un pouvoir incroyable sur lui. 

Il sentit une bosse se former dans son pantalon, non mais ce n’était pas possible, enfin, ce n’était vraiment pas le bon moment. Il tenta de cacher son érection naissante en attrapant un sac de course qui traînait dans le coin. Le sac lui glissa des mains et une poudre blanche s’étala sur le sol dans un bruit sourd. 

Paula détourna le regard, et fixa stupéfaite la poudre qui recouvrait le sol et ses propres chaussures. Elle s’agenouilla, humidifia son doigt, le trempa dans la poudre et le porta à sa langue. “Ne t’avise pas de me dire que c’est de la farine, ou de l’aspirine.”, dit-elle en se relevant. 

“Il est temps de passer aux aveux, je crois.”. Bruce se renfrogna. Elle avait gagné. Avant de lui dire toute la vérité, il fallait qu’il s’assure qu’elle ne le dénoncerait pas. Elle promit. Ils s’assirent et Bruce passa aux aveux. 

Oui, il fabriquait des comprimés “magiques” à base de différents ingrédients chimiques. Non ce n’était pas de la cocaïne, mais ça avait des effets à peu près similaires. C’était Andrews qui l’avait mis sur le coup. Ils étaient associés. Mais le dernier comprimé avait été fatal à Andrews visiblement. Ils voulaient juste s’amuser à la piscine. Quand il l’avait quitté, il allait bien, il nageait et se moquait de Bruce. Non, jamais il ne l’aurait laissé seul, s’il avait su. 

Paula l’écoutait l’air absent. Elle repensait à Andrews, à ses combines, à son esprit enfantin, à eux… Elle se concentra sur Bruce. Il s’était mis à table tout seul, elle n’avait même pas eu à le pousser dans ses retranchements. Elle avait à peine usé de ses charmes. Elle vint s’asseoir à côté de lui, et lui caressa le dos. 

“Susan, vous avez vu la veille de la mort d’Andrews. Nous voulions connaître l’histoire, avant d’en parler à Rita.” elle soupira, “Nous ne lui en parlerons pas, Bruce, mais je pense qu’il  va être temps de partir.”. Il hocha la tête. Elle se leva, prit la tête du grand bonhomme entre ses mains, et l’embrassa timidement sur ses lèvres. “Tu vas me manquer… un peu.”, dit-elle en disparaissant. 

Bruce, stupéfait, la laissa partir, son pantalon se gonfla de nouveau. 

Rita

Rita rentrait du conseil, elle n’en était plus la présidente et c’était tellement bon de pouvoir à son tour critiquer et remettre en question les décisions du président. Elle avait eu son moment, et elle avait détesté, elle avait presque tout perdu à cause de cette présidence. D’ailleurs, elle ne s’était pas représentée l’an passé. Ciao la politique.


Bon elle restait tout de même dans le conseil, elle aimait donner son avis, s’entourer, et savoir les décisions du conseil avant tout le monde, oui avoir le contrôle de l’information, voilà qui la mettait en joie. 

Ce conseil avait cependant été d’un ennui total, et puis elle avait la tête ailleurs. Impossible de respecter les 8 km à l’heure réglementaires, il fallait qu’elle rentre de ce pas examiner ses trouvailles. Bruce ne devrait pas rentrer avant quelques heures. 

Arrivée devant la maisonnette, pas de voiture de Bruce, elle souffla. Précipitamment, elle monta les quelques marches, en manquant de se retrouver les quatre fers en l’air. La serrure faisait encore des siennes, mais elle ne s’énerva pas et méthodique, elle la tourna plusieurs fois avant d’y arriver. 

Elle ne pouvait pas croire à quel point elle avait été courageuse. Un sourire s’afficha sur son visage, elle repensait à la nuit passée. Oui, elle avait eu l’étoffe d’une espionne, une vraie. D’abord, elle avait réussi à rester discrète et à sortir tranquillement de la chambre. Elle avait trouvé les clés du van de Bruce sur la table de la cuisine. Le plus dur avait été de sortir de la maison sans faire de bruit. Bruce avait le sommeil léger. 

Il ne s’était pas réveillé. Ça n’avait pas été facile, elle avait marché tout le long. La nuit la faisait frissonner, alors elle ne s’était pas arrêtée, malgré son souffle court, malgré ses pieds qui lui faisaient atrocement mal, elle avait continué. Arrivée au terrain vague, elle était entrée par le petit portail et était entrée dans le van. Mon dieu, elle avait été subjuguée, le van était tout simplement magnifique, un vrai bijou. Elle n’en était pas revenue. 

Elle était restée longtemps dans le van, à caresser le bois, à admirer le travail de son homme. Oui, elle en avait presque oublié pourquoi elle était là. Pourquoi elle se rendait en pleine nuit ici. Que faisait Bruce à part bricoler ? Son regard s’était posé sur les placards. Elle avait hésité une seconde, puis avait posé ses doigts sur la poignée. 

Elle n’avait pas été surprise de voir dix gros sachets de pilules roses entassés dans ce placard. C’étaient les jumeaux de celui que Bruce avait tendu à Franck, les parfaits jumeaux. Elle en avait attrapé un, puis était revenue sur ses pas et en avait pris deux. Pourquoi deux ? Elle ne savait pas, elles les avait glissé dans son soutien gorge. Voilà deux c’était symétrique au moins. 

Puis péniblement, elle était rentrée. Elle avait remis les sachets dans le placard de leur propre cuisine, puis s’était faufilée de nouveau dans le lit. Bruce ne s’était même pas aperçu de son absence. 

Maintenant il était temps d’examiner le contenu de ses sachets. Elle en sortit un du placard. D’un geste expert, elle soupesa le sac. Il devait y avoir pour cinq cent grammes de pilules à l’intérieur du sachet. Elle tata le paquet, les pilules étaient fermes et lisses, et d’une belle couleur rose fluo. 

D’une main prudente, elle ouvrit le sac en plastique. Ses doigts plongèrent dans ces petites perles chimiques. Elle en attrapa deux, elle les regarda longuement et les fit danser sur ses phalanges. Puis d’un coup sec, elle les porta à sa bouche et les avala. 

Elle poussa un cri, mais pourquoi au grand dieu, avait-elle fait ça ? Elle ne savait même pas ce que ces pilules pouvaient lui faire. Et si elle mourait là maintenant. Paniquée, elle tenta de les recracher, mais ce fut impossible. Ça se serait su, si elle avait su se faire vomir. 

Bon, rester calme. Ne pas céder à la panique,être à l’écoute de son propre corps. Pour le moment, il n’y avait aucun signe de changement. C’était déjà ça. Oui, elle allait s’asseoir tranquillement sur le canapé et attendre. Peut être que ça ne ferait rien d’ailleurs. 

Elle s’assit sur le canapé. Ah tiens, le linge, elle n’avait pas étendu le linge, elle se dirigea d’un pas pressé vers la machine. C’est fou, elle ressentait une de ces énergies. Si c’était dû aux pilules, son Bruce avait fait du bon travail. 

C’était dingue, elle ne sentait plus ses pieds, elle volait presque. Hop, hop, hop, tout le linge est étendu. Oh, elle allait faire un gâteau, oh oui, et peut-être même des crêpes. Ensuite, elle s’occuperait du jardin. Ou alors elle irait à la piscine. Ah oui, la piscine lui semblait une bonne idée.

Elle ouvrait le placard en quête de la farine, quand la porte d’entrée s’ouvrit. 

Paula

Ça pour un avancement, ça avait été un avancement. Bruce venait de lui servir la vérité sur un plateau d’argent. Elle n’en revenait pas, Bruce et Andrews des dealers. Andrews, elle n’était pas tellement surprise, c’était son côté mystérieux qui l’avait charmée… Mais Bruce… Bon, le petit Benjamin avait été efficace, bravo. 

Voilà un mystère de résolu ! Ils n’étaient pourtant pas sûrs que Andrews avait succombé d’une crise cardiaque à cause de la drogue. Bon d’accord, c’était mal parti de défendre Bruce devant un juge. Pour son ami Rita, il faudrait que Paula protège son ancien amant. Susan serait sûrement d’accord, aucune des deux amies ne voulaient voir Bruce derrière les barreaux. 

La mission était maintenant de cacher la vérité à Rita, mais surtout à Sue. Si la sorcière venait à l’apprendre, elle ferait sûrement tout son possible pour mettre Bruce derrière les barreaux et gâcher la vie de son ennemie de toujours : Rita. 

Mission enclenchée, protéger Bruce. D’un coup, Paula eut un haut le cœur. Ça voulait dire que… Elle n’avait plus besoin de surveiller le voisin du 87 ? Elle avait échoué. Fatiguée, elle se sentait si fatiguée, elle avait passé les cinq dernières nuits à épier la maison du bellâtre. Si la première nuit, elle avait abandonné à minuit passé, la nuit dernière, elle était restée jusque presque 5h, et rien, aucune trace. Peut-être que lui aussi était mort ? 

Le désir profond qu’elle avait pour le sexagénaire se transformait maintenant en curiosité maladive. Où était-il ? Que trafiquait-il ? Il fallait qu’elle le découvre, peu importait si elle y risquait sa peau. Ce soir, elle tenterait de rentrer par effraction dans la maison. C’était la seule solution. 

Ce serait son petit secret. Elle se dépêcha de rentrer du terrain vague pour se préparer. Une espionne digne de ce nom se devait d’avoir la tenue adéquate. 

Arrivée chez elle, elle sauta sous la douche. Elle n’allait tout de même pas jouer les Mata Hari sale comme une souillon. L’eau ruisselait sur sa peau fripée, elle se délectait de cette eau tiède qui l’enveloppait, le liquide lui rappelait les bras chauds d’un homme. Elle s’était tellement concentrée sur cette enquête qu’elle n’avait pas eu d’amant depuis plus d’une semaine. Il fallait qu’elle se remette en selle. L’image d’Andrews s’imposa à son esprit quand elle commença à se savonner, ses mains se firent plus coquines, et elle se laissa aller à ses propres caresses. Quel amant, il avait été. 

Quand elle sortit de la douche, l’eau ruisselait encore, mais sur ses joues, cette fois. 

Elle se sécha, sécha ses larmes et se dirigea nue vers son dressing. Devant le miroir du couloir, elle croisa son reflet. Son corps commençait à ne plus tenir le coup. Les séances de gym, la diététique  drastique, rien de tout ça ne suffisait plus désormais. La vieillesse avait presque gagné. Non, elle n’abandonnerait pas, elle lutterait jusqu’à la fin, pour garder les apparences, garder les amants au chaud dans son lit. Quitte à mourir seule, elle célèbrerait son célibat jusqu’à la fin. 

Chassant de son esprit ses idées noires, elle chercha en vain la tenue idéale. Elle jeta son dévolu sur un pantalon en cuir ajusté et un top en satin noir qui mettait parfaitement sa poitrine en valeur. Bottines noires. Perfecto noir. Parfait. 

Elle releva ses cheveux blancs en un chignon étudié, enfila ses lunettes de soleil, et se dirigea vers la porte. Oups, elle avait oublié de se remaquiller. Une brin de gloss, du mascara et elle était enfin prête. Elle se sourit dans le miroir, pourtant ses yeux se voilaient et elle sentit la tristesse monter dans sa gorge, de nouveau. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. Quel était son problème aujourd’hui, elle était encore plus à fleur de peau que d’habitude.

Il était à peine 22h, elle décida d’attendre minuit pour passer à l’action. Les minutes s’égrenaient lentement, elle sentait la fatigue qui l’envahissait. Elle se fit un café, puis un deuxième. Au cinquième, elle sentit que son cœur battait anormalement vite. Bientôt 23h, tant pis, elle partirait plus tard. La patience n’avait jamais été son fort.  

Après s’être assurée de laisser sa lampe de chevet allumée, elle quitta sa maison par la porte de derrière. Elle marcha d’un pas félin jusqu’au 87. À chaque rue qu’elle devait traverser, elle s’assurait que personne n’était présent dans les environs. Arrivée au dos du 87, elle tenta d’ouvrir la porte de derrière. Hum, fermée, évidemment.  

Toutes les maisonnettes se ressemblaient, la porte de derrière était simplement pourvue d’un loquet. Il fallait qu’elle brise la vitre. Oui, oui mais il fallait le faire sans faire trop de bruit. Une pierre, il lui fallait une pierre. Dans la pénombre, il lui était impossible de distinguer quoique ce soit. Elle fit quelques pas, et trébucha sur un objet métallique. L’objet n’était autre qu’une affreuse grenouille en métal. 

Aller, ça ferait l’affaire. Elle la jeta de toutes ses forces contre la porte vitrée. Le bruit perça la nuit, mais la vitre resta intacte. Ne pas abandonner. Elle recommença une deuxième fois, puis une troisième. C’est comme si elle était possédée. 

Le porte ne voulait pas céder, dans un dernier élan désespéré, elle lança la grenouille métallique en fermant les yeux. Aucun son, pas de fracas, quand elle rouvrit les yeux, James Court tenait entre ses mains la grenouille. 

Tétanisée, elle resta bouche bée. Le regard du bel homme était d’une noirceur insondable. Il la tira par le bras et l’escorta à l’intérieur.

Une réponse sur « Chapitre 9 : De découvertes en trahison. »

Laisser un commentaire