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Réflexions

Entre misophonie et envie de tuer

La misophonie, vous connaissez ? Personnellement, je ne conseille pas trop.. Oh ce n’est pas grand chose, juste une rage à la moindre bouchée

Misophonie, quand le bruit vous rend fou, Photo by Aliaksei on Unsplash

La miso-quoi ? Vous vous demandez encore où j’ai bien pu aller chercher tout ça.

Pour être honnête, ça fait des années que je souffre de ce symptôme, et pouvoir enfin mettre un nom dessus me fait le plus grand bien. Malheureusement, ça n’en atténue pas les effets…

Mais au moins, je sais désormais que ça touche plus de 10% de la population qui souffre d’acouphènes. C’est rassurrant de ne pas être toute seule.

Qui sait peut-être que vous aussi vous êtes misophones, sans le savoir !

Je suis misophone, car…

Une rage intense s’empare de moi… quand vous mâchez bruyamment, que vous respirez un peu trop fort ou que vous reniflez légèrement.

Je me doute que d’entendre des gens machouiller peut en agacer plus d’un. Mais à mon niveau, c’est bien pire.

Rien que ce midi, le repas avec mes parents a été une véritable torture. Au moindre bruit de sucion, de mastication, de déglution ou de craquement de machoire, une vague de haine monte en moi.

Ce n’est pas juste un agacement, c’est une véritable tornade intérieure qui s’empare de moi. La colère dévaste tout sur son passage, je ne peux me focaliser sur autre chose que sur les bruits répugnants qui sortent de leur bouche.

Mes poings se serrent, ma gorge se noue, et je lutte pour ne pas quitter la table. A cet instant, j’ai des envies de meurtre, je ne veux qu’une chose que les bruits cessent.

Un cookie après l’autre, mon père ne m’apparaît plus que comme une bouche déformée par les morceaux de gâteaux imbibés de salives, comme des dents souillées, et surtout comme un vacarme physiologique insupportable. Pendant quelques minutes, j’oublie… J’oublie que je l’aime, j’oublie ses qualités, son amour, et je ne ressens à ce moment là que de l’aversion et du mépris.

Je ne suis alors que colère et dégoût, je tente de garder un masque de façade, de ne pas faire transparaître ma mauvaise humeur. Malheureusement, à défaut de pouvoir expliquer mon trouble, mon agressivité trouve toujours une raison de faire surface.

Et quand j’arrive à prendre sur moi, mon regard de haine et de dégoût parle alors à ma place.

Dur à vivre

Plus les années passent, et plus j’ai l’impression que ma sensibilité auditive augmente.

Au quotidien

Depuis l’adolescence, je me bats avec ce trouble. Je deviens chiante, rabrouant mes proches quand ils parlent la bouche pleine. Sous couvert de politesse, je tente d’éliminer un des bruits que je déteste.

Naturellement, je ne vais pas empêcher les gens de manger, dormir ou respirer.

Si seulement ce trouble se manifestait rarement, je pourrais prendre sur moi, de temps en temps. Mais non, chaque repas, chaque aliment qui passe par la bouche de quelqu’un, chaque respiration irrégulière, chaque reniflement, chaque déglutition me fait hérisser les poils. La colère est alors tapie, prête à éclater.

Finalement, presque chaque repas un brin trop silencieux est une torture pour moi. Train et transports ne sont supportables qu’avec des bouchons d’oreilles ou des écouteurs. Et si j’ai le malheur d’avoir un ronfleur dans la pièce, ma nuit devient un enfer.

Parce que ce n’est même plus le bruit qui me maintient éveillée, mais la haine qui m’empêche de trouver le sommeil.

Dans le milieu pro

Même hors des repas, mon esprit peut s’enfermer dans cette angoisse.

Je me rappelle de mon pire voyage de négociation au Bangladesh. Le directeur du bureau d’achat Raqib m’accompagnait lors de toutes mes négociations. Or Raqib rotait, pétait mais surtout faisait des tonnes de bruits de raclement, de déglutitions et semblait jouer avec ses glaires. La colère s’accumulait, s’accumulait, et j’ai presque explosée devant mes fournisseurs.

Si mes collègues ont compati, elles n’avaient pas conscience de la torture de ses quelques jours. Mon stress et ma tension ne pouvaient être plus hauts, et ça n’avait rien à voir avec mes missions.

C’est étrange de se dire qu’un trouble pareil peut même impacter ma vie professionnelle.

De même, j’ai failli arrêter une formation en ligne, parce que la nana parlait avec un léger suintement de salive. J’ai persisté et elle a dû boire de l’eau, car les vidéos suivantes ne furent pas aussi insupportables.

Chez Armand Thiery, je ne serais pas surprise si la misophonie avait conduit à mon renvoi. Ma manager était une véritable pelleteuse, elle faisait un bruit monstrueux en mangeant ne serait-ce qu’un bonbon.

Je ne me rappelle pas avoir été particulièrement agressive verbalement, mais ma tension devait sûrement transparaître…

La culpabilité, partenaire du misophone

Le problème de ses réactions disproportionnées, c’est aussi la culpabilité qui va avec.

Coupable de mes réactions

Sur le moment, mes pensées sont si dures, si injustes envers les personnes qui m’entourent. La colère et le mépris ne s’estompent pas aussi aisément que les bruits qui s’évaporent. Ils étaient là, ils laissent une trace et je m’en veux pour ça.

Je suis pleinement consciente que ça va trop loin, que des bruits de mastications ne valent pas un tel énervement, une telle angoisse. Mais si je ne trouve pas de distraction, impossible pour moi de ne pas ressentir cette déferlente d’émotions.

Une fois passée, je me sens coupable. Evidemment que je ne tuerais jamais personne pour un bruit de reniflement, mais y penser n’est-ce pas déjà trop ?

L’angoisse de mon propre bruit

Au delà du malaise de ressentir ce genre d’émotions, c’est aussi la peur de faire du bruit qui m’angoisse.

Le bruit des autres est une telle torture pour moi, que je fais de mon mieux pour essayer d’en faire le moins possible.

Ainsi, il arrive que mon propre bruit devienne lui même une source d’anxiété. Pendant des années, j’ai évité de manger dans les trains pour ne pas importuner mes voisins, par exemple.

Dans un environnement silencieux, je vais tout faire pour m’assurer que ma respiration est muette. Et ma pire crainte la nuit est de ronfler bruyamment.

Misophonie et bruits

Depuis que j’ai nommé cette rage intérieure, j’ai commencé à me demander, quels sons me rendaient folle.

Et finalement, seuls les bruits en rapport avec des éléments visuels ou kinesthésiques qui me dégoûtent finissent par créer ce flot d’émotions.

Les pires des bruits

J’entends, tous les bruits liés à la bouche ou à la digestion. Ceux là déclenchent ma rage, me rendent nauséeuse et me mettent dans des états seconds.

Dans mon esprit, le bruit devient une image répugnante, et chaque micro décibel crée une vision d’horreur.

Les bruits de mastication, les bruits de déglutition, de sucion mais aussi les bruits de brossage de dents, les glouglous du ventre, les bruits de manque de salive… Bref, aucun bruit que l’on peut éviter…

Les bruits d’ongles aussi m’écoeurent. Le bruit de la lime à ongle me rappelle son horrible texture rugueuse, quant au bruit du coupe ongle, j’ai une vision d’ongle cornu et jauni qui me passe par la tête.

Les bruits de nez, eux, me rendent malade. J’en ressens un haut le coeur. Raclement de gorge, reniflement, nez qui siffle ou le bruit que l’on fait quand l’on se mouche… Autant dire qu’entre les rhumes en hiver et les allergies en été, je suis servie…

Si vous croisez mon regard noir dans ce genre de cas, ne cherchez plus…

L’avantage, c’est que horloge, claviers, souris, pluie ont grâce à mes yeux ! Alléluia !

Au contraire, les doux bruits

A l’opposé, certains bruits m’apaisent énormément, me mettent en joie et dans un état de plaisir inhabituel.

Le bruit des graviers sous mes chaussures me rendent toute chose. Les faire crisser sous mes semelles m’apaise, me fait sourire, et m’apporte presque un certain plaisir.

Le bruit des crampons sur le bitume me met presque dans le même état de félicité.

Si vous me connaissez un peu, vous avez déjà dû me voir tournicoter mes cheveux entre mes doigts. Eh bien, ce n’est ni pour me donner une attitude, ni pour séduire les mâles alentour, mais simplement parce que le son de mes cheveux qui craquèlent est le son que je préfère.

C’est un son réconfortant, déstressant et pur à mes petites oreilles.

Causes et solutions

Bon bah maintenant que ma rage a un nom, j’aimerais bien savoir d’où elle vient…

Cause

Il n’y a pas de secret, ce trouble vient bien d’une anomalie.

Rassurrez vous mes oreilles vont bien, en revanche mon cerveau…

Une étude récente démontre que la misophonie est une maladie neuro-psychiatrique associée à des anomalies cérébrales.

Je ne savais même pas qu’ilexistait, mais c’est mon cortex insulaire inférieur qui s’active un peu trop ! En gros, la région cérébrale qui me permet de me concentrer sur ce qui survient dans mon environnement s’active à ses sons, alors qu’elle ne le devrait pas.

Chez les personnes, non-misophones, les bruits sont entendus, mais pas retenus comme essentiels. Chez moi, héhé, mon cerveau les analysent comme des informations de premier ordre.

Je fais quoi, du coup ?

Globalement, thérapies cognitives, hypnoses, ESMR, et médecine douce sont les seules solutions. Bref, il n’y a pas de solution directe, juste des aides pour essayer de vivre avec cette maladie, sans devenir fou.

Je viens juste de la découvrir, et pour le moment, je vais tenter de trouver des solutions par moi même.

Manger toute seule à jamais ?

Au petit déjeuner, oui, je préfère ! Sauf si vous avez en rayon une super discussion !

Pour les autres repas, noooon. Pour le coup, une discussion animée peut me faire oublier vos vilains bruits de mastication. Un environnement sonore plus bruyant comme un restaurant ou un bar couvrent les bruits les plus insupportables.

Bref, si vous retenez toute mon attention sur autre chose, le bruit devient complètement supportable.

Les repas en tête à tête ou les personnes qui me voient trop souvent risquent en revanche d’être plus difficiles à supporter. Alors je respire, j’identifie, j’accepte et j’attends que ça passe, voilà la seule solution.

Conclusion

Pardonnez moi les regards furibonds et les sautes d’humeur que je peux parfois avoir durant les repas. Si les bruits viennent de vous, le trouble vient bien de moi.

Cet article ne changera rien, mais il vous permettra peut être de mieux comprendre tous ceux qui comme moi souffrent de misophonie.

Et puis, rien que d’en parler, ça me soulage d’un poids.

Sur ce, machouillez bien… silencieusement !

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