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Réflexions

Pourquoi pas moi ?

Ça fait un moment que j’ai envie d’écrire cet article, et je l’aurais sans doute écrit il y a deux semaines, si je n’avais pas replongé dans mes travers.

Photo by Tim Mossholder on Unsplash

Pourquoi pas moi ? Quelle fille célibataire de la trentaine ne s’est pas encore posé la question. 

Je n’étais pas certaine d’avoir le cran d’écrire mon dédain, de ravaler ma fierté avec cet article. Et puis, un weekend entre amis, j’ai eu un bad. Pas un petit qui dure quelques minutes, non,non, un gros bad. Une phase de broyage du noir de quelques heures. Quelques heures à ruminer mes idées noires, à dramatiser ma pauvre situation. Quelques heures pendant lesquelles j’ai ouvert les vannes, j’ai pleuré, j’ai fui la soirée, j’ai mêlé mes larmes à l’eau chaude d’un bon bain. 

Si je n’avais pas ravalé ma fierté une fois de trop, ce soir-là, je n’aurais pas fini par recoucher avec lui, je n’aurais pas oublié les peines et les blessures que je venais d’ouvrir au grand jour, et je ne les aurais pas dissimulées sous une couche d’espoir et de tendresse. Et en même temps, ce n’était pas plus mal pour le reste du weekend. 

Légèreté vs dépression de la trentaine, pour passer un bon weekend, on a vite fait le choix. 

Pourquoi moi ? 

Si encore, on parlait d’un « Pourquoi moi ? », Ok peut être que ça aurait valu des larmes. Oui, si un truc horrible m’était arrivé, qu’une chose terrible s’était abattue sur le coin de mon nez, un incident, une ritournelle de la vie, un revers de médaille, ou que sais-je encore. Oui, si j’avais eu de quoi me plaindre, me retrouver allongée dans l’herbe au fond du jardin à sangloter aurait été justifié.

Mais non, le « Pourquoi pas moi ? » est plus perfide, il est plus pernicieux. Parce qu’au fond, ma vie est cool, pourquoi s’en plaindre. J’ai des amis, un appart que j’adore, un job qui m’amuse et presque pas de problème d’argent. Pourquoi se plaindre alors ? 

A-t-on vraiment le droit de se plaindre quand finalement notre vie est un beau gâteau, sur lequel il manque simplement la cerise ? 

Pourquoi pas moi ? 

Eh bien oui, désolée, mais on a le droit de se plaindre. Surtout quand les cerises ne sont pas distribuées équitablement ! 

Ah oui, parce que moi des beaux gâteaux sans cerise, j’en connais des tonnes ! Et je peux vous dire que ces filles là, elles la mériteraient leur cerise ! Il leur en faudrait même une enrobée de chocolat pour l’attente. 

Et c’est humain, mais à force de se demander pourquoi pas nous, pourquoi elles y ont le droit et pas nous, la jalousie et l’aigreur pointent le bout de son nez. 

« Félicitations », « Je suis trop heureuse pour toi ! », « Tu le mérites tellement ! « , « Vous faites un trop beau couple ! ». Plus le temps passe, plus on répète inlassablement ces phrases à nos amies. Mariage, bébés, achats à deux, voyages en amoureux, parfait amour… On s’extasie de la réussite des autres, on est sincèrement contentes pour elles… Sauf que la sincérité se teinte malheureusement d’une petite rengaine qui frappe notre esprit… Quand est-ce que c’est mon tour ? 

Et je maudis celles qui me répètent que la roue va tourner. 

Euh, bah si c’est une roue, mes belles, et que vous êtes du bon côté, actuellement… Si elle tourne vous allez basculer dans la phase obscure du célibat. Ah oui… d’un coup, vous êtes moins chaudes qu’elle tourne cette petite roue, hein ?! 

Les questions

Et la série des questions arrive, parce que le « pourquoi pas moi” amènent forcément des « Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? « , « Qu’est-ce que je fais de mal ? », « Qu’est-ce que j’ai de moins qu’elles ? », « Qu’est-ce que j’ai de trop ? » , « C’est parce que je ne suis pas assez jolie/intelligente/cultivée/raffinée/mystérieuse/mince ».. Et j’en passe. Là, en terme de créativité, je peux vous dire qu’on est pas mal ! 

La réponse, c’est que je n’ai pas trouvé la réponse. Pour moi, oui, j’ai un début de réponse. Mais pour les autres, je n’en ai aucune idée.

Pourquoi la cerise est partie alors que tout allait bien et que vous étiez sur l’autoroute du love ? Je ne sais pas. 

Pourquoi après enfin avoir posé une cerise sur un célibat de quelques années, cette cerise qui avait bien pris ses aises sur ton gâteau, décide de déguerpir en laissant un beau cratère. Aucune idée. 

Pourquoi, je m’évertue encore à mettre une cerise sur un gâteau qui vraisemblablement est si glissant qu’aucune ne semble y tenir, et qu’elles finissent toutes par tomber. Tomber faute de sentiments… Si je le savais, je ne pianoterais pas sur les touches de mon clavier. 

C’est comme avec la phase des enfants de 4 ans qui répètent des « Pourquoi ? » inlassablement, il arrive un moment où on n’a plus les réponses. Parce que les sentiments, les perceptions, l’humain en fait ne s’expliquent pas. Faut faire avec, c’est tout. 

Et oui, c’est injuste. 

Aime toi toi-même, et les autres t’aimeront

Ce qui est sûr, c’est que c’est plus dur d’être aimé quand tu ne t’aimes pas. Mais est-ce que ça suffit ?

Bah non ! 

D’un, ça ne suffit pas. Quand enfin tu penses que tu t’aimes, que tu t’acceptes, que tu es dans un auto kiffe assumé, tu vois bien que ça ne suffit pas ! Et  bim, cercle vicieux, tu perds un peu de ton amour pour toi même et hop faut tout recommencer. 

Et puis deuzio, attends, moi des gâteaux super appétissants, fondants en bouche, au goût incomparable qui ont l’impression d’être de vieux gâteaux secs, j’en connais. Et heureusement, l’amour qu’elles n’ont pas pour elles, elles l’ont trouvé ailleurs. 

Donc arrêtez de nous bassiner avec des « Aime toi et tu verras l’amour suivra ». Désolée Sigmund mais ta psychologie à deux sesterces tu peux la ravaler ! 

Non, la cerise ne tient ni à l’apparence du gâteau, ni à notre confiance en nous. 

C’est autre chose… Mais quoi ? Le karma ? 

Le chenil

Il y a quelques années, j’avais écrit un texte où il ne s’agissait pas de cerise, mais d’un chenil. J’avais sans doute écrit ce texte après une déception amoureuse de plus. À l’époque, je pensais sans doute que 4 ans plus tard, le discours aurait changé. 

Raté, Gertrude, c’est toujours aussi vrai. 

Parce qu’à 28 ans, je m’imaginais tel un chien dans un chenil rêvant d’être adopté. La vie au chenil est cool, on s’éclate avec les autres chiens, on est bien nourris, on prend soin de nous, mais on n’est pas unique. Personne ne nous gratouille derrière les oreilles le soir avant de nous coucher. 

Alors comme tout petit chiot  (enfin à 28 ou 32 ans, on serait plutôt sur du chien bien adulte), on espère plus ou moins secrètement qu’on va venir nous adopter. Chaque visite est un espoir de plus pour atteindre le graal.

Les visiteurs me flattent la croupe, ils s’attardent un peu, jouent avec moi, et ils disparaissent avec un autre toutou. Un shot de tendresse et la vie au chenil repart. 

Mais pas pour tout le monde, parce que voilà, certains y arrivent. Et un après l’autre, je vois les autres petits toutous se faire adopter. Je suis heureuse pour eux, mais ça me fout le cafard. De les voir disparaître, mais surtout de finir seule dans ce chenil, trop vieille pour qu’une bonne âme vienne m’adopter.

Pourquoi eux et pas moi, j’ai beau japper, me lustrer le poil, apprendre des acrobaties, rien n’y fait. Je ne suis jamais choisie. Même les petits yeux larmoyants ne suffisent pas. 

Pourquoi pas moi ? Je ne suis pas le plus moche des chiens, et d’ailleurs, même ça n’expliquerait pas pourquoi. Je vous rappelle quand même qu’il y a des gens qui adoptent des chihuahuas. À partir de là, tout est possible. 

Donc voilà, je ne sais pas combien de temps je vais y rester au chenil. Je vois revenir certains copains bien amochés par leur maître précédent. Et parfois, je me dis qu’au moins eux, ils ont vu un peu l’extérieur. Et puis, je m’en veux en voyant leur souffrance. 

Certains restent parfois des mois ou des années, fuyant le regard du visiteur, se terrant dans un coin l’oeil torve. Se faire adopter, plus jamais…. 

Des mœurs trop légères

Je quitte le chenil, et je reviens sur ces rengaines qu’on me répète à longueur de temps. 

« Ne couche pas le premier soir. », « Tu envoies les mauvais signaux. » »Ne lui parle surtout pas de tes expériences. » « Sois moins sexuelle. »1 « Commence plus doucement. » « Pas de pipe avant le troisième mois. », j’en passe et des meilleures. 

Écoutez, je fais ce que je peux hein. Déjà parce qu’on a tous besoin d’une petite caresse de temps en temps, et qu’en plus, ça fait partie de moi !

Merde ! Si vous ne comprenez pas que ma carapace à moi est faite de préservatifs, de tubes de lubrifiants et d’allusions subtiles, tant pis. 

Ah oui, on préfère les carapaces faites de douleur, de solitude, de timidité, de mystère, de secret. 

Les explorateurs de l’amour aiment prendre leur pioche et tenter de briser les coquilles rigides d’histoires sombres. 

Par contre, face à ma coquille lisse et glissante, ils ne s’y risquent pas. Après tout, savent-ils au moins que c’est une coquille ? 

Donc oui, vous avez sûrement raison. Blabla, pas le bon moyen de commencer une histoire, blabla faut tout de suite les mettre sur le bon chemin … Ok, je… Ne suivrais pas vos conseils, je le sais. Ce n’est pas moi. 

Parce que moi la cerise j’ai besoin de la lécher un peu, de la croquer, de la désirer avant d’être sûre de vouloir la poser sur mon gâteau. 

Et puis, comme je sais que la surface de mon gâteau est trop lisse (j’ai peu être mis trop de lubrifiant) et que les cerises ne tiennent pas dessus, j’en profite avant qu’elles ne tombent… 

Faudra peut être que je pense à me mettre au litchi, ça tiendra mieux… 

Conclusion

A toutes mes potes célibataires, à toutes les trentenaires qui rêvent encore du prince charmant, je vous souhaite de la trouver votre cerise pour que vous puissiez, comme les autres, déguster le doux gâteau de l’amour. 

À celle qui en ont ras-le-bol des fruits rouges, et qui préfèrent un bon brownie parsemé de noix, plutôt qu’une forêt noire, je vous admire, et qui sait, un jour je renoncerais peut être à cette quête vaine de la cerise à crampons…. 

Et puis, à moi, je souhaite de sortir enfin un jour du chenil, si j’y reviens, de ne pas y revenir trop cabossée. Je me souhaite d’être un peu moins aigrie qu’en ce jeudi matin, post déception fruitière. 

Et je souhaite à tous les gâteaux qui ont trouvé leur cerise, de la garder tendrement dans le glaçage. 

Sans oublier, qu’un gâteau même sans cerise se doit d’être dégusté bouchée après bouchée.