Le sourire de la jalousie… Photo by DDP on Unsplash
Quand on perd confiance en soi, elle reprend le dessus. Heureuse et victorieuse, elle sort de l’ombre et pointe son horrible minois.
Quand on n’est pas assez forte pour la chasser d’un revers de main, elle nous consume et nous met face à toutes nos insécurités. La jalousie nous rattrapera toujours au pire moment.
Ça pique
Il n’a fallu qu’un message sur Whatsapp pour qu’elle sorte sa plus belle robe verte, et verse un flot d’amertume dans mes entrailles.
« Je vois quelqu’un. » J’étais déjà à terre, avec un mojo au ras des pâquerettes et il me porte la dernière estocade.
Je croyais quoi ? Qu’il allait rester seul patiemment, qu’il ne trouverait pas un soulier plus adapté à son pied ?
J’espérais quoi ? Trouver avant lui ?
Bah, oui, j’espérais ça. Alors de savoir qu’il sort justement avec cette nana dont je m’étais méfiée. Ça pique, ça gratte, ça me rend acide et méchante.
Pompom de l’histoire, il compte la ramener à notre journée de festival. Comme si la blessure ne suffisait pas, il va me mettre face à toutes mes insécurités.
Le soir même, on joue une impro immersive de plus chez lui. Les premières minutes, j’ai du mal à croiser son regard. Pour ce soir, la suivante n’est pas là, mais l’amertume est déjà présente de mon coté.
Mais le naturel amical reprend ses droits, et finalement, sans l’ombre de cette concurrente qui a déjà gagné, je profite de lui comme d’un ami comme les autres.
Face à Face
Au festival, tout se passe à merveille, jusqu’au face à face. Alors que nous célébrons le succès de la troupe, entre nous, ou presque, il arrive avec elle à son bras.
Ma gorge se serre autant que mes poings. Je détourne si vite le regard que je n’ai pas le temps de la détailler.
Ils sont en bout de table, mon bout de table, à seulement quelques centimètres. Je lis dans les yeux de mes amies du soutien, de l’empathie, et de la solidarité.
L’envie de quitter la table et de rentrer chez moi est surpassée par la fierté (pour une fois) et le soutien de mes potes.
Mes yeux ne se posent ni sur elle, ni sur lui. Ils ne font pas partie de mon champ de vision, ni de mon champ de conversation. L’indifférence est un mépris facile.
A cet instant, je me dis que je ne pourrais plus jamais le regarder. Ma rage est telle, mon cerveau est en boucle sur ma jalousie.
Qu’a-t-elle de plus que moi ?
Nous avons l’air aux antipodes, sage et intellectuelle versus perdue et intuitive. J’étais sans doute une erreur de parcours, et lui aussi, mais là maintenant je ne peux en convenir. Je ne vois que l’injustice et toutes les insécurités physiques et intellectuelles qui m’habitent.
Finalement, elle part et nous laisse entre nous. Une fois encore, le naturel revient. Mon regard peut de nouveau se poser sur lui, sans rage ou désir de violence. C’est déjà ça.
La mauvaise surprise
Si j’étais préparée à la voir le samedi, je ne m’attendais pas du tout à l’apercevoir le dimanche.
Pass illimité pour 3 jours de spectacle, je n’avais pas prévu qu’il y inviterait ma « rivale ».
Je sais que « rivale », il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais. Maintenant que tout ça est digéré, je le sais, pourtant, sur le moment c’est comme ça que je la vois.
Quand ma pote et moi arrivons, quand A. nous fait signe en nous désignant les deux places qu’il nous a réservé, je ne vois pas tout de suite les têtes de ses deux voisins. C’est en passant devant que mon coeur se serre. Il est là et elle aussi. Super.
Un regard entendu avec ma pote, et nous nous mettons d’accord sans rien dire. Nous ferons tout pour les éviter. Une boule de jalousie m’empêche de bien respirer.
A. s’en va, on quitte la salle, on passe devant eux. Je peine à les regarder, ça me brûle presque les pupilles. Ma voix intérieure la traite de tous les noms. Je souris rapidement, nous allons voir un autre spectacle. Ciao.
Ma pote ne pourrait être plus solidaire, elle passe sans même leur accorder un mot ! Mon dieu, je l’adore !!
Sauvées… ou pas
Dernier spectacle, ça fait déjà une heure que nous nous sommes débarrassées d’eux. On entre dans la grande salle de spectacle, prudentes.
C’est fou ce que ma pote peut me comprendre, elle anticipe. Elle scanne comme moi la salle du regard. Le but, les éviter, s’asseoir le plus loin possible du petit couple qui me donne envie de gerber.
Personne. Toute la salle est analysée ou presque. On jette notre dévolu sur le troisième rang. On a à peine posé nos fesses, qu’il tourne vers nous un visage amical.
Tuez-moi par pitié ! On a oublié de vérifier les deux premiers rangs, et on vient de s’installer juste derrière eux… Juste derrière…
Il entame une conversation, je réponds par monosyllabes. Elle a la décence de ne pas se retourner. J’observe ses cheveux raides et sa tête qui dodeline légèrement.
Si j’avais un chewing gum, je lui collerais dans les cheveux. Je n’en ai pas, elle est sauvée. Ma pote me regarde l’air désolé. Tant pis.
Heureusement que le spectacle est sympa, il me permet de ne pas focaliser uniquement sur elle. Ma gorge se serre à chaque fois qu’elle se penche vers lui, qu’elle tente une papouille discrète.
Il a la décence de ne pas céder au câlins des salles obscures, j’en aurais fait une syncope !
Spectacle terminé, chaque duo file de son coté avec pour seul au revoir un signe rapide de la main.
L’enfer est terminé.
Soutien féminin, incompréhension masculine
Je m’en veux. La culpabilité remplace peu à peu la jalousie.
Il reste mon ami, mon comportement n’était pas cool. Etait-il au moins justifié ?
Vocaux, messages, discussions par dizaines, mes amies sont unanimes. Il est con, pas malin, maladroit et peu empathique pour avoir ramené sa meuf comme ça. Je suis dix fois mieux de toute façon, tant pis pour lui.
Elles n’y vont pas de main morte, mais aller ça fait du bien. Elles me confortent. Evidemment ma réaction était justifiée ! Et j’aurais pu encore moins bien réagir !
Merci les filles et votre solidarité féminine ! Et puis merci à cette superbe communauté de merveilleuses qui rend tout plus léger et drôle.
Mes potes mecs en revanche, et mon petit frère de la troupe notamment, ne comprennent pas du tout. Pourquoi est-ce que je me prends la tête avec ça ? Lui et toi n’aviez aucun avenir, de toute façon ? Et puis vous n’étiez même pas ensembles ! De l’ego, c’est tout ce que c’est. C’est bon, passe à autre chose et souhaite leur tout le bonheur du monde.
Too soon, vraiment. J’ai juste envie de les étrangler. Ok c’est vrai, mais je n’ai pas envie de l’entendre.
Ils et elles ont tous raison. La jalousie est une affaire d’ego, mais elle existe, et se justifie.
Ça va, ça vient, ça se transpose…
Un message pour se déculpabiliser, une réponse gentille, et une amitié qui repart comme avant.
Sans rancune, comme le disait si bien Corneille (chanteur). La jalousie s’envole.
Elle se repose parfois, au détour d’un message plein de coeurs mièvres aperçu sur son téléphone.
Sa robe verte réapparaît parfois à d’autres occasions, et ça ne le concerne même plus. Un mec en soirée qui m’ignore pour une autre de mes potes. Elle se mêle à l’envie, l’envie d’être plus belle, d’avoir un corps aussi élancé, aussi fourni en poitrine, un visage plus fin.
L’objet du désir n’est plus fixé sur lui, alors la jalousie devient multiple. Je la combats, tant bien que mal.
Elle finira par disparaître, et je savourerais enfin, la paix que j’aurais retrouvée avec moi même…