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Reconversion Professionnelle ou la quête impossible ?

Reconversion, choix cornélien Photo by Javier Allegue Barros on Unsplash

Ça y est, on y est. Le moment de la reconversion professionnelle a sonné pour moi. Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai une petite crise existentielle pour ma trentaine. Une remise en question globale sur ma vie.

Oui, comme tant d’autres, je suis en quête de « sens », de « valeurs », bref de changements.

Un ancien boulot que j’aimais, mais…

Quand je parle de mon ancien boulot, de mes anciens voyages de négociation, des produits sur lesquels je travaillais, on me demande souvent pourquoi je l’ai quitté.

C’est vrai, c’était un boulot que j’ai aimé. Oui, c’était chouette de travailler sur une collection. Encore plus sympa de passer presque deux mois par an en Chine ou au Bangladesh. Carrément génial de partager tant de cafés et de bons moments avec mes collègues.

Alors pourquoi ? Pourquoi cette soudaine envie de changer, de tout remettre en question ?

Tout simplement, parce que je ne me sentais plus à ma place. Je négociais sans plaisir, tiraillée par une envie de donner un juste prix aux produits et de dire merde à ma direction. Je me sentais opprimée dans ma créativité, dans mes envies, et je m’ennuyais, terriblement.

L’ennui, il n’y a rien de pire quand on travaille. Il y a l’ennui factuel, il m’arrivait de ne pas avoir assez de travail, je cherchais alors à m’en créer d’autre. Nouveaux outils, organisation d’événements, pauses café sans fin. Mais à cet ennui là, s’est ajouté l’ennui profond, cette sensation de n’utiliser son esprit qu’à 40% de ses capacités.

J’avais la sensation que mes neurones commençaient à s’éteindre peu à peu, hapés par l’habitude et la facilité.

Il était temps de changer.

Changer, oui, mais pour quoi ?

Là vient la question épineuse. D’accord, tu veux changer, mais pourquoi ne pas tout simplement changer d’entreprise, tu gagnerais en salaire et tu retrouverais de nouveaux challenges ?

Aïe, c’est là où ça coince. J’ai envie d’un vrai changement. D’une vraie coupure, et puis le textile, la mode, est un secteur qui tend à disparaître. En tout cas, l’empreinte écologique y était telle, que je ne me voyais plus y participer.

Donc, changer, se reconvertir mais pour quoi ?

Et là, je peux vous dire que les idées afflues en général. Pompier, commissaire de police, institutrice, sexologue, GO au Club Med, organisatrice de mariages, actrice, écrivain… Je n’ai pas pensé à astronaute, mais on n’était pas loin.

Pour y voir plus clair, je suis partie à l’autre bout du monde. Prendre un peu de hauteur sur toutes ces envies plus folles les unes que les autres.

Savoir ce que l’on ne veut pas faire

Me voilà de retour, et la hauteur ne m’a fait prendre conscience que de ce que je ne veux pas faire.

Un, je ne veux plus bosser pour des entreprises pourries qui traitent leurs employés comme des pions, qui ne capitalisent pas sur l’actif le plus important : l’humain.

Deux, je ne veux plus une industrie qui va à contresens du monde actuel, de la lutte contre le réchauffement climatique.

Trois, je ne veux plus un métier qui n’a pas de sens.

D’accord, ok, mais ça te laisse encore un bon paquet d’options.

Ah et dernière petite trouvaille venue d’Australie, je ne veux pas d’un boulot pour lequel je sois bloquée derrière un bureau non stop. Je veux bouger, je veux voyager, je veux rencontrer. Je ne veux pas passer ma vie derrière un écran.

Vouloir, c’est bien, mais pouvoir, c’est mieux.

Avant de partir, j’avais fait un coaching avec Chance, une boîte spécialisée dans la reconversion professionnelle… La blague.

Ah oui, ils ont réussi à me sortir deux ou trois métiers séduisants sur le papier. Mais ensuite, quoi ? Je postule comme ça ? Sans expérience ? Sans crédibilité, avec le sentiment d’être tout simplement un imposteur.

Alors oui, vouloir être vétérinaire, architecte ou astronaute, c’est bien. Mais à trente ans, est-on prêt à refaire cinq à dix ans d’études ? À reprendre un prêt pour pouvoir se financer ? À mettre entre parenthèse notre vie sociale, pour un rêve qu’on n’est pas sûr d’atteindre ou d’apprécier une fois réalisé.

Donc, on élimine tout ce pour quoi on n’a pas quelques compétences, tout ce qui nécessite un investissement trop important, si on n’est pas prêt à le faire.

Et… Il ne nous reste pas grand chose. Ok, il va peut être falloir faire une formation ou deux.

Choisir c’est renoncer.

Cet été, je me suis mise en tête de devenir Développeuse Web, ou plutôt de lancer ma boîte de création de sites web. Riche idée, plutôt dans le vent. Créative. Qui parle à mon désir d’indépendance.

Formation en ligne plutôt facile. Longue, fastidieuse, mais accessible. En quelques mois, je devrais pouvoir acquérir les compétences nécessaires.

Donc voilà, je me lance. Je ne me pose plus de questions. Je passe des heures à apprendre le code, à pianoter sur mon clavier, à faire défiler les codes html. C’est long, j’aimerais avancer plus vite. Mais la vitesse de lecture à 1,75, c’est déjà bien assez.

Comme une furie, je me lance là dedans, sans me poser des questions essentielles. Cette voie répond-t-elle à toutes mes envies ?

Après deux mois les yeux rivés sur mon écran, je déchante. C’est l’overdose. Je ne suis plus sûre de vouloir faire ça.

Choisir cette voie, c’est renoncer au contact social, c’est renoncer à mon envie de bouger, de ne pas travailler derrière un bureau, c’est renoncer à mon âme d’organisatrice, de négociatrice, et surtout à ma soif de contacts humains.

Je ferme l’ordinateur, et je me mets à réfléchir.

La première idée ne serait-elle pas la bonne ?

Quand j’ai commencé à chercher une idée de reconversion, j’ai immédiatement pensé à Happiness Manager. Ces nouveaux métiers qui consistent à apporter bien être et joie au travail. Organisation d’événements, gestion humaine des bureaux, outils de communication, oui je rêvais de devenir cette fée du sourire au sein d’un bureau.

Mais comment ? Le peu d’annonces, et le piège de certains faux Happiness manager qui ne sont autres que de bien nommés réceptionnistes m’ont un peu échaudées.

Pourtant aujourd’hui, j’y reviens. Gonflée à bloc, je réponds aux quelques annonces, vantant toutes mes compétences dans une lettre de motivation haute en couleurs. On verra.

Se reconvertir ? Ou se réinventer ?

Parfois, je me demande si la reconversion ne tient pas plutôt de la réinvention. Peut être faudrait-il simplement se réinventer.

Chercher du sens et de la valeur dans nos activités extra-professionnelles ? Ou réinventer sa recherche ?

Aujourd’hui, enfin pourvue de cette merveilleuse allocation chômage, je fais la fine bouche. Je regarde à deux fois les annonces avant d’y répondre. Je n’envoie de lettre de motivation seulement quand je suis littéralement motivée.

Bref, ma reconversion est loin d’être terminée. Elle sera sans doute faite encore de mille et une idées, et d’autant de désillusion. Mais tant pis, s’il faut en passer par là pour me sentir enfin épanouïe dans ma petite vie…