Retour à la réalité, Photo by Mika Baumeister on Unsplash
On me demande souvent “Alors, ça se passe comment ce retour ? Pas trop dur ?”. Beaucoup s’enquièrent de mon état pour ce retour à la réalité.
Est-ce que c’est dur, un peu, par moment… Mais est-ce que je regrette, non..
Les envies d’avant
Avant de quitter l’Australie, la France me manquait terriblement. Je rêvais de rentrer et j’avais à coeur de faire plein de choses.
D’abord, je voulais tous vous revoir, n’oublier personne. J’avais la foi, faire le tour de toutes les chaumières, visiter chacune des personnes à qui j’avais manqué.
Je rêvais de retrouver un appartement, un endroit à moi. Après 15 mois à vivre en dortoir, pour seul dressing ma belle valise orange, je bavais sur un petit chez moi… Comme avant.
Et puis, il y avait les envies plus faciles, plus réalisables. Boire un bon vin bien tannique et boisé, croquer dans une baguette, se délecter d’un superbe plateau de fromage, et laisser mes papilles se gorger de toutes ces saveurs à la française.
Evidemment, je rêvais aussi de retrouver mes amis, de boire des verres jusque tard dans la nuit, de retrouver les discussions décalées, sérieuses et rigolotes.
Les craintes d’avant
Bien sûr, avant de rentrer, j’avais des craintes aussi.
J’avais peur de rentrer dans une France que je ne reconnaîtrais pas. Peur aussi qu’on m’ait oubliée. Je craignais que mes relations aient changé.
J’ai parfois laissé certains sans nouvelles personnelles pendant plus de 15 mois. M’en tiendront-ils rigueur ?
Tout le monde aura-t-il avancé ? Et serais-je la seule à repartir de zéro ? Vais-je être sur la même longueur d’onde ?
Me trouveront-ils changée ? Me feront-ils toujours rire ? Ma nièce me reconnaîtra-t-elle ?
Les questions dansaient dans mon esprit. La seule réponse dont j’étais certaine, c’était Oui je veux rentrer.
Pas de saut dans le monde d’après
J’avais si peur de quitter une Australie sans presque aucune restriction pour m’engager dans une France où le masque allait être obligatoire.
Je prévoyais déjà un article du genre “Un saut dans le monde d’après… “, tadadada…
Et finalement, entre les quelques périodes masquées de fin de voyage (les 30 heures de voyage masquée, les deux semaines de serveuse masquée, etc.) et le relâchement des restrictions en France, c’est facile, j’étais à peine dépaysée.
Ok j’avoue, j’oublie toujours mon masque en sortant, et il n’est pas rare que je doive faire demi tour pour aller au supermarché. Mais sinon globalement, je suis revenue au bon moment.
Mon premier jour, j’étais heureuse de respecter le couvre feu de 19h et de me reposer de mon voyage. Le deuxième soir en revanche, j’ai profité de la réouverture des terrasses, et j’ai continué de m’enivrer avec mes amis, en me délectant de saucisson et de fromage ! La France, dans toute sa splendeur !
Le couvre-quoi ? Rentrée à presque minuit, j’ai vite compris que le couvre feu était un petit obstacle facile à surmonter. Un Uber et hop !
Finalement, le monde d’après est vite devenu mon monde d’avant. Les terrasses, puis les restaurants ont rouvert, le masque est devenu facultatif dans la rue, les salles de sport ont rouvert, les cinémas aussi… Bref, à part les quelques transports (les 3 heures de train, c’est chaud quand même !), les intérieurs de resto et de magasins, globalement, je retrouve une vie presque normale…
Amis et Famille au top
Avant même le fromage et la baguette, ceux qui me manquaient à en devenir con, c’est mes amis et ma petite famille.
Ce fut un bonheur de les retrouver. Entre verres, petites soirées détentes, et gros weekends de fiesta, j’ai très vite compris pourquoi j’étais si heureuse de revenir. J’ai enfin pu serrer dans mes bras mes parents, m’extasier devant les progrès de ma nièce, me faire chambrer par mon taquin de frère et rattraper le temps perdu avec tous mes amis !
Ma nièce ne m’a même pas fait payer mes 15 mois d’absence et en 20 secondes, j’étais de nouveau la tata adorée. Après plus d’une semaine à la garder, je confirme, je ferais toujours partie de sa vie, de près ou de loin. Il faudra qu’elle compose avec sa tante, et moi avec son caractère un brin tyrannique !
Quel plaisir de retrouver mes potes, mes amis, et de me rendre compte que tout est si naturel. C’est comme si je n’étais pas partie. Chacun reprend sa part de discussion, les délires se recréent.
Oh bien sûr, les vies des uns et des autres ont changées, déménagements, ruptures, reconversions, achats, bébés, mais finalement au fond, personne ne diffère tellement de ce qu’il était avant ! Certains sont plus heureux, d’autres plus tristes, d’autres plus blasés, plus sereins, plus gros, plus ridés, plus beaux, plus épanouis, mais tous ont le même humour, le même intérêt, la même âme que quand je les ai quittés. Si leur vie a changé, leur essence non.
Retrouver le plaisir de festoyer
Je crois que le plus douloureux dans mon métier de serveuse, c’était de voir les autres faire ce que j’aimais tant faire avant.
Alors autant dire qu’une fois revenue en France, une fois les terrasses des bars ouvertes de nouveau, je n’avais qu’une envie, en profiter un maximum. Terrasses ou apéros chez les uns ou chez les autres, j’ai retrouvé cette tradition à la française de faire durer durer et durer…
A l’anniversaire de mon père, j’ai retrouvé ce plaisir de discuter avec des personnes de toutes générations. 13 à table, barbecue, salades et vin à volonté, discussions croisées, franche rigolade, j’ai passé un moment heureux, où l’instant et les vapeurs de l’éthanol ont soufflé un vent de fraîcheur sur mes tracas. Les invités sont arrivés à 12h30 et repartis à 19h… Un vrai bon repas d’anniversaire !
Puis il y a eu les soirées au chalet près d’Annecy, ou encore mon weekend tempête avec les cons. Des moments de partage, de liberté, où encore une fois, rien ne comptait d’autre que l’instant présent.
Festoyer a un coût.
Ce n’est pas un secret, dans la fable de la Cigale et la Fourmi, j’ai toujours été la Cigale. Je suis revenue d’Australie la tête pleine d’envie, mais le porte monnaie bien plus vide qu’au départ.
J’étais rentrée avec l’idée de faire le tour de France, de tous vous voir, de squatter à droite et à gauche, de partager verres, bon dîners et weekends… Sauf que tout ça a un coût.
Au bout de deux allers-retours, de plusieurs soirées, j’ai vu mon peu d’économie fondre comme neige au soleil. A ce rythme là, je finis avec un compte dans le rouge moins d’un mois après mon retour.
Je peux vous dire que c’est dur de se restreindre, de ne pas embarquer dans un train pour Paris, Nantes, Lille, Montpellier et d’éviter les verres, alors que j’en ai rêvé ces derniers mois.
Impossible pour moi de continuer sur ce rythme, à 31 ans, il me fallait retrouver le foyer familial pour engraisser un peu mon compte en banque.
Le risque de retomber dans sa zone de confort
Si j’ai fui en Australie, c’est justement pour apprendre à sortir de ma zone de confort, à accepter parfois de me mettre en danger à moyen termes pour enfin construire mon bonheur à long terme.
Quand je suis rentrée, j’avais plein d’idées, plein d’envies… Devenir prof, monter ma boîte de rédaction de sites web, écrire les mariages, enfin finir mon roman… Et puis, la perspective d’habiter en banlieue de Bordeaux chez mes parents quelque temps, m’a terrifiée.
Je rêvais de retrouver une vie Parisienne, d’avoir un chez moi, mes amis à proximité… bref ma vie d’avant, mais pas avec le même boulot, pas avec les mêmes aspirations professionnelles, et pas les mêmes aspirations amoureuses.
Alors la facilité a commencé à pointer le bout de son nez. Je n’étais pas si malheureuse avant, après tout ? Et si… Enfin, temporairement, peut-être… Aller quelques mois, un an, tout au plus… Si je retrouvais un boulot similaire à celui d’avant. Oh, ce ne serait pas le bagne ??!
Mon envie de retrouver cette vie parisienne que j’aime tant m’a presque renvoyée illico dans ma zone de confort. Pas de prise de risque, j’ai répondu tranquillement à des annonces de Chef de Produit dans le textile. Voilà facile. Dans quelques semaines, je devrais pouvoir retrouver.
Au premier entretien téléphonique, je réalise : je n’ai aucune motivation. Oh oui, je sais faire, oh oui, je serais un atout, mais mon seul but, trouver autre chose. Au fond, je sais, je ne peux pas revenir en arrière. J’ai déjà sauté au-dessus du ravin qui me sépare de mon ancienne carrière, et si je saute pour y retourner, je n’aurais plus la force de la quitter.
Il va donc falloir que je prenne mon mal en patience, que je vive pauvre, dépendante et chez mes parents quelque temps, pour mûrir un véritable projet et aller enfin vers l’avant.
Aujourd’hui…
Après un mois à faire des allers-retours entre famille et amis parisiens et lyonnais, mon porte-monnaie a rendu l’âme. Retour illico dans la jolie maison de mes parents.
On s’entend bien, la vie est simple avec eux, et ils sont adorables, me nourrissent, me logent et me blanchissent. Nous avons de bonnes discussions, un petit rythme. Je m’adapte à leurs horaires, à leurs habitudes, et c’est naturel.
Je ne vais pas mentir, avoir du monde autour de moi, mes amis, ma vie trépidante me manque. Mon indépendance aussi me manque. Mais c’est comme ça.
Il y a des jours où tout me paraît facile, où la bonne humeur, les bonnes conversations prennent le pas sur les doutes. Et puis, il y a les moments où je me sens comme prise au piège, où ma liberté me manque, où une vie à moi me manque. La patience, c’est aussi être capable d’être moins indépendante aujourd’hui, pour l’être plus demain…
Je n’aime pas la patience, mais j’apprends.
Tournant professionnel…
Je suis rentrée en France, persuadée de vouloir devenir professeur des écoles. Et puis, j’ai discuté, et j’ai réalisé que si j’avais envisagé l’idée avant et que je l’avais abandonnée, il y avait une raison. J’allais être privée de liberté, cantonnée à un rôle pas assez dynamique, pas assez fou pour moi. J’y reviendrai, mais sans doute dans une dizaine d’années…
J’ai pensé repartir dans ce que je faisais, postuler dans des entreprises plus respectueuses de l’environnement, plus épanouissantes, mais au fond, ce métier, j’en ai fait le tour.
Maintenant, je suis un petit boulet de la société française au RSA. C’est bizarre, j’ai toujours travaillé, je me suis toujours précipitée sur le premier boulot, pour éviter d’être au chômage. Et aujourd’hui, je me retrouve là, sans rien, sans allocation chômage, sans recherche précise, avec 542 euros pour vivre…
Attention, je ne fais pas rien. J’ai repris mes boulots de Freelance en rédaction, et c’est un métier que j’aime énormément. Mais pour en vivre, il va me falloir en aligner des mots sur l’écran !
Et puis, c’est venu, comme ça. J’ai commencé à vouloir apprendre à coder. Après tout, le web design et le web en général paient bien plus que la rédaction SEO, alors pourquoi pas.
Conseillée par des amis, je suis maintenant plusieurs formations en ligne. Je sens que je vais pouvoir y exprimer ma créativité, et compléter mon offre… Rédaction, création et design… Maintenance aussi.
Encore une fois, il faut que je sois patiente, j’apprends chaque jour un peu plus, j’aligne les lignes html, je joue avec le CSS et je tente.
Après une lettre de 3 pages au Pôle Emploi, je croise les doigts pour que la commission paritaire soutienne mon projet… Et une nouvelle fois, je fais preuve de patience…